Une quarantaine de demeures historiques vous accueillent pour « La Nuit des châteaux »

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Là où il n’y a pas le couvre-feu, ou parfois en début de soirée, ces sites patrimoniaux ouvrent leurs portes samedi 24 octobre sur tout le territoire.

A l’écart des grandes routes, tout au nord du département de la Charente, au milieu des champs où plane un couple de milans, le château de Saveilles dresse humblement ses pignons de pierre centenaires que percent des croisées à chéneau et des fenêtres à pilastres, ses tours coiffées en poivrières, ses meurtrières moyenâgeuses et ses aménagements Renaissance. Le châtelain en titre, Christian de Mas Latrie, 66 ans, est dans le parc à tondre la pelouse. Samedi soir, il reçoit : il y invite sous la lueur des flambeaux à visiter ce château du XIVe siècle en remontant le temps d’une histoire qui est aussi la sienne.

Le 24 octobre, en effet, c’est la deuxième édition de La Nuit des châteaux. Visite immersive à Blanc Buisson (Eure), Détective Party à Chémery (Loir-et-Cher), dégustation d’hypocras au château de Comborn (Corrèze), feu d’artifice à Jumilhac (Dordogne)… Une centaine de châteaux partout en France devaient ouvrir leurs portes dans une opération séduction qui vise autant à soutenir des monuments gourmands en dépenses d’entretien qu’à sensibiliser au patrimoine. Le chiffre a chuté de moitié avec les annonces du gouvernement face à la pandémie. Et dans quelques endroits, en Indre-et-Loire, dans le Calvados, on est passé de « A la nuit tombée » au plus humble « A la tombée de la nuit. » Reste que les vieilles tours résistent au couvre-feu.

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A l’origine de l’événement, il y a Dartagnans, une start-up créée en 2015 pour accompagner les propriétaires de château dans la restauration et la gestion de leur patrimoine. « Apporter notre pierre à l’édifice », résume Romain Delaume, 34 ans, qui a fondé la petite société avec son copain Bastien Goullard. Pas sûr qu’il ait pensé à l’acuité ironique de l’image. Il parle vite en effet – de peur qu’on n’entende pas tout ce qu’il a à raconter : le financement participatif, la billetterie Dartngo, les 500 propriétaires accompagnés, les quinze salariés…

En 2007, les deux jeunes hommes sont à l’ESC Lille (rebaptisée Skema). Lorsqu’ils en sortent, ils passent deux ans à faire des tableaux financiers et des business plans dans des cabinets de conseil avant de décider de « faire quelque chose qui a du sens ». Férus de patrimoine, ils montent alors cette société, sorte de boîte à idées qui cumule savoir-faire marketing et expertise financière, moyennant une commission d’un peu plus de 10 % sur les fonds levés et les billets vendus.

« Ce n’est pas Chambord… »

Le genre d’outil sur lequel notre châtelain de Saveilles ne crache pas, lui qui, malgré l’élégante beauté du lieu posé au milieu de ses douves en eau, ne cumule pas plus de 700 visiteurs par an. « Ce n’est pas Chambord… », confirme en souriant cet ancien haut responsable dans le secteur des ascenseurs, aujourd’hui à la retraite, et qui tente vaille que vaille de maintenir les bâtiments à flot, craignant à chaque tempête que des ardoises s’envolent, chauffant au minimum les vingt-cinq pièces (« Quand il fait 15 °C, je suis content ») et louant quelques gîtes pour tenter de trouver un équilibre économique.

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En sept cents ans, le château de ses ancêtres en a vu de toutes les couleurs. Attaqué par des soudards, rehaussé d’un étage à la Renaissance, tombé un temps dans l’escarcelle du maréchal de Turenne qui n’y mit jamais les pieds, utilisé comme ferme lorsque la famille le délaissa pour monter à la cour de Versailles, salons transformés au XIXe siècle en style Louis-Philippe, laissé à vau-l’eau ensuite, jusqu’à ce que de Mas Latrie père décide en 1948 de reprendre en main cette bâtisse où il était né.

« J’en ai gâché du plâtre ici avec mes frères, raconte notre hôte. A l’époque, il n’y avait ni électricité ni eau courante. » Une carpe saute dans la douve. « Si j’ai hérité de cette maison c’est aussi pour la transmettre. A ma descendance, bien sûr mais aussi aux gens qui viennent. Un château, c’est beaucoup de mystères, un témoignage sur l’histoire », explique-t-il en nous emmenant visiter la petite chapelle, construite en 1868, et depuis soigneusement restaurée, où, lorsqu’ils viennent, deux de ses fils, prêtres, aiment à donner la messe.

Le château de la Mothe-Chandeniers (Vienne).

25 000 actionnaires internautes (issus de plus de 115 pays) ont racheté pour 1,6 million d’euros le château de la Mothe-Chandeniers

A l’instar du château de Saveilles, ils sont pléthore, ces bâtiments, tels des parchemins de pierre, exposés à l’usure des siècles. « Beaucoup de châteaux sont en vente parce que les propriétaires n’y arrivent pas, constate Christian de Mas Latrie. Qu’un jour ici cela puisse s’arrêter est pour moi un crève-cœur. »

En 2017, au sein de Dartagnans, les jeunes consultants inventeurs de La Nuit des châteaux ont d’ailleurs sauté le pas et racheté pour 1,6 million d’euros le château de la Mothe-Chandeniers (Vienne), au sud de Saumur. Enfin, pas eux, mais 25 000 actionnaires internautes, à raison de 50 euros la participation. Forts de ce succès, en 2019, ils ont fait pareil à Ebaupinay, dans les Deux-Sèvres, et cette année encore, en juillet, ils ont repris une ruine à Vibrac (Charente), à proximité d’Angoulême.

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Romain Delaume ne cache pas sa satisfaction : à la veille de l’événement, et malgré le Covid-19 qui a conduit certains à l’abandon, on compte déjà 4 000 réservations pour l’ensemble des événements répertoriés. Au château de Saveilles, à l’écart du temps, on en dénombrait vingt-cinq. « C’est bien », soupire le châtelain en regardant au loin une corneille solitaire.

Château de Saveilles, Paizay-Naudouin (Charente). Tél. : 06-08-17-36-15. www.chateausaveilles.fr

Tout le programme en France sur www.nuitdeschateaux.com.

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