TRIBUNE. L’économiste David Cayla et le politologue Thomas Guénolé considèrent, dans une tribune au « Monde », que le plan de relance gouvernemental ne comprend pas les mesures d’urgence et d’équité nécessaires pour assurer la survie des très petites entreprises.
Tribune. Le confinement du printemps 2020 a très durement touché l’économie française. D’après l’Insee, les sociétés ont perdu près de 40 milliards d’euros au cours du second semestre 2020 par rapport à la même période de 2019. Mais, dans de nombreux secteurs (tourisme, hôtellerie-restauration, secteur aérien…), les pertes se sont prolongées au cours de l’été et pourraient durer tant que la crise sanitaire durera. Aussi, il est probable que l’économie française ne pourra retrouver spontanément son activité d’avant la crise avant des mois.
Dans ce contexte, le plan de relance annoncé par le gouvernement est indispensable mais souffre de nombreux défauts. Premièrement, les mesures prévues, qu’elles soient fiscales (baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés) ou incitatives (aides à l’embauche, rénovation des bâtiments) ne suffiront pas à remplir les carnets de commandes des entreprises et à créer de l’emploi. De plus, alors que la crise sanitaire a fait apparaître les besoins en emplois dans la santé, la sécurité et l’éducation, le refus du gouvernement de relancer l’emploi public apparaît dogmatique et contre-productif.
Un écueil particulièrement grave caractérise en outre le plan gouvernemental : le refus de faire contribuer les gagnants de la crise à la relance. Les effets asymétriques du confinement, le fait que certains secteurs ont été très peu affectés, voire ont bénéficié de la crise sanitaire, constituent l’angle mort du projet gouvernemental. Un plan de relance qui généralise les aides sans distinction entre les gagnants et les perdants serait non seulement injuste, mais surtout très inefficace.
Une gestion darwinienne des TPE
Dans les secteurs favorisés, les aides se traduiront par de purs effets d’aubaine, alors que, dans les secteurs sinistrés, elles ne suffiront pas à sauver les entreprises. En bonne logique, il faut mettre à contribution les secteurs épargnés pour sauver les secteurs ravagés. Un autre angle mort concerne les problèmes spécifiques des très petites entreprises (TPE), ces entreprises de moins de dix salariés qui sont particulièrement nombreuses dans le commerce et la restauration.
Or, elles risquent de faire faillite en masse dans les prochains mois. Sans doute cette absence de réponse témoigne-t-elle de la stratégie sacrificielle adoptée par le gouvernement, qui semble accepter l’idée de laisser les plus fragiles périr parce qu’il est convaincu qu’à terme des entreprises nouvelles se créeront sur leurs ruines. Cette gestion darwinienne des TPE est un mauvais calcul pour au moins quatre raisons.
Tout d’abord, la multiplication des faillites risque de faire exploser les pertes dans le secteur bancaire à un moment où la finance se trouvera fragilisée dans le monde entier.
Ensuite, la hausse du nombre de défauts de paiement se traduira par des pertes importantes pour les finances publiques puisque l’Etat s’est engagé à garantir des prêts qui ne seront pas remboursés.
Par ailleurs, il n’est pas certain que, en période de récession, de nouveaux acteurs parviendront à remplacer les entreprises qui déposeront leur bilan. Dans ce cas, le résultat global sera une perte sèche, durable en termes d’emploi et d’activité.
Enfin, les TPE sont une composante essentielle du tissu économique et social de notre pays et le gouvernement semble ne pas réaliser les très graves conséquences qu’une multiplication des faillites fera subir à l’économie et à la société française.
Les trois mesures d’urgence et d’équité
Pour apporter un soutien plus juste à l’économie en tenant compte des effets d’asymétrie, nous proposons trois mesures d’urgence et d’équité.
En premier lieu, il faut mettre à contribution les assureurs, avec une taxe exceptionnelle de solidarité d’un montant de 18 milliards d’euros. Il est en effet inadmissible que le secteur assurantiel ait si peu contribué à prendre sa juste part du risque pandémique, ce qui est son devoir évident d’assureur, alors même que sa situation financière et son activité ont été très peu affectées par le confinement.
Deuxièmement, il convient de faire contribuer les bailleurs des locaux commerciaux. Durant le confinement, le paiement de loyers pour des locaux pourtant vides a aggravé les difficultés des commerçants. Les promesses d’annulation et de report de loyers concernent trop peu d’entreprises et leur concrétisation est très incertaine. Nous proposons donc d’annuler six mois de loyers des commerces affectés par la crise. Cela rendrait plus de 27 milliards d’euros aux entreprises françaises.
Enfin, la grande distribution et le commerce en ligne ont réalisé des bénéfices exceptionnels au plus fort de la crise sanitaire, alors qu’ils étaient les seuls à pouvoir poursuivre leur activité. Nous proposons donc un impôt exceptionnel de solidarité sur ces grands commerçants, dont le montant servira à indemniser toutes les entreprises qui n’ont pu avoir la moindre activité durant la période de confinement.
David Cayla, et Thomas Guénolé sont auteurs de la note « Assurances, loyers commerciaux, grande distribution : trois mesures d’urgence pour sauver nos TPE de la faillite » rédigée pour la Conférence Gambetta, laboratoire d’idées sociales et républicaines.
David Cayla(Membre du collectif des Economistes atterrés) et Thomas Guénolé(Politologue)
« Un écueil grave du plan gouvernemental : le refus de faire contribuer les gagnants de la crise à la relance » added by RichardA on
View all posts by RichardA →
Comments are closed.