Quoi qu’il en coûte: le moment est venu de dire combien et qui paie plein pot

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ANALYSE – Pour les Français, la facture risque d’être bien plus amère en 2021.

Martelé à trois reprises par le président de la République dans son adresse à la nation du 12 mars, le «quoi qu’il en coûte» a été une vraie trouvaille rhétorique. La formule, répétée ad nauseam par les ministres et les commentateurs ébahis par ce pentamètre percutant, visait trois priorités: «Sauver des vies»«Protéger nos salariés et nos entreprises», «Le soutien de l’activité, puis la relance» selon les termes de l’Élysée. Vaste programme. Sept mois après, il est possible de mettre des chiffres en face des mots.

Emmanuel Macron imaginait-il que l’épidémie serait si meurtrière pour le pays et le choc aussi rude pour son économie? Le PIB de la France, sa production annuelle de richesses, se sera contracté de 10 % en volume cette année, une perte de 202,7 milliards d’euros en valeur, selon les derniers chiffrages du ministère de l’Économie et des Finances.

Une telle récession de la production devrait avoir appauvri les Français d’autant. Or ce n’est pas le cas. Toujours selon Bercy, «le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages» n’a reculé que de 0,5 %, soit une baisse de 7,5 milliards d’euros. Rappelons que le «revenu disponible» regroupe l’ensemble des revenus des particuliers (salaires du privé, traitements des fonctionnaires, revenus des indépendants, prestations sociales en espèces, rémunération du capital, dont les loyers).

L’étonnante résistance des revenus des Français aux chocs est une anomalie parmi les pays développés qui avait été déjà observée lors de la « grande récession  » de 2009

Voilà à coup sûr un miracle: la production du pays s’effondre et les revenus de ses habitants ne sont pratiquement pas touchés. De quoi se plaint le peuple? Certes il s’agit d’une moyenne: des gens ont perdu leur emploi, d’autres ont subi «un chômage partiel» et leur pouvoir d’achat a été écorné hélas bien plus que de 0,5 %! Reste que dans l’ensemble la perte a été marginale et même inexistante pour la majorité des Français.

Le miracle se comprend aisément, en tout cas sur le plan comptable. Ce sont les pouvoirs publics (État, Sécurité sociale et collectivités territoriales) qui ont pris l’essentiel du fardeau à leur charge en acceptant de laisser filer les déficits. Selon les chiffres de Bercy, l’ensemble des administrations avait été dans le rouge à hauteur de 3 % du PIB en 2019, soit 73 milliards d’euros, et, en 2020, le déficit représentera 10,2 % du PIB de l’année, soit 227 milliards d’euros qui s’ajoutent à la dette publique. On constate donc une aggravation de 154 milliards des déficits publics d’une année sur l’autre en raison d’un effet de ciseaux classique. D’un côté l’État a joué le bon Samaritain (explosion des dépenses de santé, aides tous azimuts aux personnes et aux entreprises, etc.) et de l’autre il est confronté à un amaigrissement forcé des recettes fiscales et sociales du fait de la récession Covid.

Au total la perte de substance gigantesque de notre économie et de son PIB 2020 (202,7 milliards) a entraîné un effritement des ressources des zénages (7,5 milliards), un effondrement des comptes publics (154 milliards), le restant étant supporté par le secteur des entreprises (une quarantaine de milliards).

L’anomalie française réside dans l’étonnante résistance des revenus de sa population aux chocs. Le même phénomène s’était produit lors de la «grande récession» mondiale de 2009: le PIB de la France avait reculé de plus de 2 % et le revenu des ménages avait continué de progresser de 1 % selon l’Insee comme si de rien n’était.

Efforts de reconversion

Cette inertie, unique au sein des pays développés, a une double explication. Tout d’abord les gouvernements de la douce France, de droite, de gauche ou du «nouveau monde», veulent toujours amortir «coûte que coûte» les coups durs. D’où notamment la générosité du régime de «chômage partiel», avec un plafond allant jusqu’à 4,5 fois le smic, sans équivalent en Europe. À cela s’ajoute une autre spécificité française, la structure globale des revenus telle que la décrivent les Comptes de la nation: alors que les salaires nets ont atteint 830 milliards d’euros en 2019, les prestations sociales en argent (des retraites aux indemnités chômage, en passant par une kyrielle d’aides sociales) ont représenté 520 milliards, pratiquement les deux tiers de la rémunération du travail… D’où un découplage de facto de l’univers des revenus par rapport à la sphère productive.

Mais n’est-ce pas un leurre? Emmanuel Macron semble s’en être ému au point d’admettre que «le “quoi qu’il en coûte” prononcé un soir de mars ne peut pas durer perpétuellement» (le 15 mai, lors d’une discussion à l’hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière). Il n’y a rien de gratuit en ce bas monde et surtout pas l’argent, contrairement à ce que voudrait laisser accroire la Banque centrale européenne. Sa politique monétaire pénalise en premier lieu les épargnants qui subissent «une taxe cachée», selon l’économiste Patrick Artus. En France, les 1698 milliards d’encours d’assurances-vie ne rapportent quasiment rien, d’où un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards d’euros du fait de ces taux anormaux. La rançon de l’argent gratuit est encore plus inique pour les jeunes acquéreurs de logements victimes impuissants de la spéculation immobilière qu’alimentent les taux zéro de la BCE.

Parmi les catégories qui paient plein pot, la palme revient aux deux à trois millions de salariés des secteurs durablement sinistrés par la crise (de l’aéronautique au tourisme). Elle va exiger des efforts de reconversion d’une ampleur inouïe. Le «quoi qu’il en coûte» a permis de gagner du temps, au risque de multiplier les emplois en trompe-l’œil et les «entreprises Potemkine». L’année 2021 affichera peut-être une reprise de la croissance (du PIB) de l’ordre de 8 % annonce Bercy, qui juge «son scénario proche des anticipations des autres prévisionnistes». Dont acte. Mais paradoxalement elle sera bien plus difficile à vivre pour plusieurs millions de Français.

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Source: Quoi qu’il en coûte: le moment est venu de dire combien et qui paie plein pot

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