
INFOGRAPHIE – Présenté comme un projet «économique» par l’Allemagne, Nord Stream 2 est de plus en plus critiqué en Europe, particulièrement en France, pour ses conséquences géopolitiques.
Un vent de
malaise, puis un compromis. La France et l’Allemagne ne sont pas passées
loin de la crise, vendredi, alors que Paris s’est dissocié de son
alliée dans le dossier Nord Stream 2.
Pour Berlin, de plus en plus isolé dans son soutien au projet de
gazoduc, c’est un coup de semonce. Interrogée vendredi, la chancelière
Angela Merkel a préféré éluder et se féliciter qu’un accord ait été
finalement trouvé: «Je vois très souvent le président français, il y a
une étroite coopération sur tous les sujets européens», a-t-elle
commenté, comme on rappelle pour s’en convaincre ce qui devrait être une
évidence.
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La
veille, Paris avait surpris en confirmant son intention de voter une
directive européenne sur l’approvisionnement en gaz contestée par
l’Allemagne. Ce texte risquait de mettre à mal le projet Nord Stream 2.
Pour éviter d’accroître la dépendance de l’Union européenne envers la
Russie, et son bras armé Gazprom, la commission proposait en effet de
poser des conditions aux entreprises chargées de l’approvisionnement
énergétique en obligeant à distinguer le fournisseur et le producteur.
En clair, Gazprom n’aurait plus été en mesure de contrôler intégralement
le pipeline. Nord Stream 2, dont le terminal aboutit en Allemagne,
n’aurait plus été économiquement aussi rentable. Les opposants à Nord
Stream 2, notamment les pays de l’Est de l’Europe, s’étaient réjouis du
ralliement de la France, qui auparavant s’était montrée discrète et
alignée derrière Berlin.
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«L’Allemagne
comptait bloquer cette directive mais elle a beaucoup évolué. Elle a
compris qu’elle n’avait pas une minorité de blocage et que la directive
aurait été adoptée sans elle», a-t-on commenté à Paris. Présenté comme
un projet «économique» par l’Allemagne, Nord Stream 2 est en effet de
plus en plus critiqué en Europe pour ses conséquences géopolitiques.
Décidés à contrer l’influence russe, les États-Unis ont même menacé de
sanctions les entreprises qui y participent.
Après 24 heures de
froid, le compromis élaboré entre la France et l’Allemagne prévoit que
la gestion d’un pipeline construit à partir d’un pays tiers sera confiée
au pays d’arrivée, en l’occurrence l’Allemagne. Celle-ci, et au travers
d’elle l’Europe, sera en mesure de mieux «contrôler» l’infrastructure
et d’imposer à la Russie des garanties: l’Europe veut éviter que
l’Ukraine notamment soit victime de Nord Stream 2 en perdant ses
ressources économiques liées au transit du gaz sur son territoire.
Angela Merkel s’était prononcée en faveur de telles garanties sans se
donner les moyens de pression nécessaires sur la Russie.
À Paris,
on s’est réjoui que Berlin ait évolué. Pour Angela Merkel, qui amende
sa position depuis plusieurs mois, c’est tout de même un revers et le
signe d’une perte d’influence. Pour apaiser les tensions avec
Washington, l’Allemagne a aussi promis l’ouverture d’un terminal de gaz
liquéfié, qui permettra aux États-Unis d’augmenter ses propres
exportations énergétiques.
Deux semaines après les déclarations
d’amitié franco-allemande lors de la signature du Traité
d’Aix-la-Chapelle, le tandem semble déjà grippé. Tout un symbole: le
chef de l’État Emmanuel Macron vient aussi d’annuler sa participation à
la Conférence sur la Sécurité de Munich, le week-end prochain, où il
devait retrouver la chancelière Angela Merkel. Ils auraient pu y exposer
leurs vues communes sur les enjeux internationaux. Mais le président de
la République a préféré se concentrer sur ses obligations nationales et
la crise des gilets jaunes.

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Nicolas Barotte
Journaliste – Correspondant du Figaro à Berlin
Source :© Nord Stream 2: coup de froid entre Paris et Berlin
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