INTERVIEW. Le président de Debout la France fait face à des départs sans précédent au sein de son parti. Dernière en date : sa suppléante, Lisa Haddad.

« La trahison ne fait pas partie de mon ADN. » Une biographie sur Twitter vaut mieux qu’un long discours, surtout quand l’intéressée est la suppléante de Nicolas Dupont-Aignan à l’Assemblée nationale, Lisa Haddad. Après quelques tergiversations, l’élue de l’Essonne a rejoint par un communiqué, lundi 11 janvier, la cohorte des cadres Debout la France déçus par Nicolas Dupont-Aignan. Césarisme, absence de compromis, sabotage de l’union avec le RN, les raisons de la colère en interne sont nombreuses et témoignent d’une frustration au sein de la petite entreprise souverainiste à l’approche de l’élection présidentielle. Pour Le Point, cette proche de NDA justifie son choix, ne regrette rien et revendique la victoire en 2022 au nom de… Marine Le Pen.
Le Point : Après Jean-Philippe Tanguy, ancien bras droit, et Anne-Sophie Frigout, vice-présidente de DLF, les défections se suivent et se ressemblent. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Lisa Haddad : J’étais engagée auprès de Nicolas Dupont-Aignan depuis de nombreuses années, mais un constat s’est imposé à nous : Nicolas Dupont-Aignan fait toujours un pas en avant, deux pas en arrière sur l’union des droites et des patriotes. Sur plusieurs sujets, j’ai eu l’impression de le voir s’isoler politiquement et localement. En tant que suppléante, je l’ai constaté à l’Assemblée nationale lorsque je faisais remonter des informations du terrain : il n’écoutait plus. Les habitants de ma circonscription s’interrogent : « Où est Nicolas ? Que fait-il ? » C’est vrai que le départ de Jean-Philippe Tanguy et d’une centaine de cadres de Debout la France m’a d’abord attristée, puis fait réfléchir. J’ai jugé qu’il était temps, même si j’envisageais de partir plus tôt face à sa propre inertie, sa solitude. Je le répète, Nicolas Dupont-Aignan, c’est un pas en avant, deux pas en arrière.
Le président de Debout la France a l’habitude de fustiger l’archipellisation de la droite en France et appelle sans cesse à l’union. C’est l’hôpital qui se moque de la charité, selon vous ?
Quel gâchis ! Il nous a fait croire pendant des années qu’il était favorable à l’union des droites en France, sans jamais s’y engager. Dans les actes, rien n’est fait. Sur la circonscription, c’est criant. Que fait-on localement ? Que prévoit-on pour les régionales ? Sans retour, pas de stratégie. Il est complètement isolé. Nicolas Dupont-Aignan veut faire croire en un rassemblement possible – « je suis favorable à l’union » –, pour finir par la détricoter. Je ne suis pas la seule à l’avoir prévenu. Nous l’avions mis en garde, mais il persiste et signe. J’en suis attristée, parce que je me souviens de moments de militantisme magiques. Une famille politique, c’est comme une deuxième famille, mais il a décidé de se fâcher avec tout le monde. Quelle est sa motivation profonde ? Je l’ignore, mais j’ai décidé de partir et je ne le regrette pas.
Si le but du jeu c’est de battre Macron, alors oui admettons que nos idées sont semblables à celles du Rassemblement national et de certains membres des Républicains.
Quitter Debout la France maintenant, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, c’est hypothéquer sérieusement les chances d’une candidature de Nicolas Dupont-Aignan. Un choix de raison ?
C’est un crève-cœur, mais effectivement un choix de raison. J’en reviens à ce que je connais le mieux, ma circonscription. J’y constate tous les jours une misère grandissante et, à travers ce territoire, que le pays s’appauvrit, se disloque. Il y a une islamisation galopante qui gagne du terrain dans les cités. Je le sais parce que j’y ai habité. L’insécurité est partout légion, il y a des endroits en France où l’on ne trouve même pas de distributeurs de billets de banque. Dans le pays, tout part à vau-l’eau. Nicolas Dupont-Aignan ne l’ignore pas, mais n’agit pas. S’il y a urgence, il faut agir et prôner l’union. Laissons les ego de côté quels que soient les partis, des Républicains au Rassemblement national, tant qu’il y a des bonnes volontés, nous devons nous mettre d’accord pour agir. Si le but du jeu c’est de battre Macron, alors oui admettons que nos idées sont semblables à celles du Rassemblement national et de certains membres des Républicains. C’est pourquoi je rejoins Demain la France, collectif de droite gaulliste et indépendant, arrêtons l’hypocrisie, faisons l’union !
D’aucuns vous traiteront d’opportuniste. Que leur répondez-vous ?
Avec Nicolas Dupont-Aignan, nous avons des relations franches. Il n’a pas appris mon ralliement à Demain la France par voie de presse. Je suis allé le rencontrer moi-même avec la boule au ventre et je lui ai tout dit : « Où va-t-on ? », « Il n’y a pas de perspective ». C’est vrai que c’est un déchire-coeur, mais à un moment il faut se rendre à l’évidence. À ceux qui me traitent d’opportuniste, je réponds : « Où étiez-vous en 2017 lorsqu’il a failli perdre la députation ? Parce que moi j’ai soutenu Nicolas alors que personne, à l’époque, ne misait un centime sur sa réélection. » Le bateau coulait et j’ai cru en l’homme. Aujourd’hui, je ne reconnais plus ce qui avait fait la valeur de mon engagement auprès de lui. Je ne trahis personne. Nicolas, lui, est plutôt dans l’affect mais, à un moment, dans un couple, quand ça ne va plus, on doit savoir se quitter.
Vous restez tout de même suppléante dans votre circonscription de l’Essonne, on imagine la teneur de vos futurs échanges…
Je n’ai plus de contacts avec Nicolas Dupont-Aignan. Je lui fais savoir que je ne le représenterai plus nulle part, ni aux commémorations ni auprès du préfet. Je le regrette, parce que c’était un honneur même si, sur le papier, je reste sa suppléante, mais il est hors de question que j’abandonne ceux qui m’ont soutenue jusqu’à aujourd’hui sur le terrain. Nicolas Dupont-Aignan ? Il a récolté ce qu’il a semé. On ne m’empêchera pas de poursuivre mon engagement ailleurs avec Jean-Philippe Tanguy. J’ai été sincère, fidèle et honnête, mais arrive un moment où il faut choisir le meilleur de faire gagner nos idées.
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