Natacha Polony : «La France, combien de divisions en Europe ?»

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CHRONIQUE – Sur le dossier du glyphosate, l’Allemagne a privilégié ses intérêts nationaux, semant le doute sur la crédibilité du couple franco-allemand.

Noël approche, mais il est une farce dont un dindon a pu profiter avec un peu d’avance. La farce est allemande. Le dindon est français. Merveille du couple franco-allemand… Le coup de théâtre qui a entouré le vote européen autour de la réautorisation de mise sur le marché du glyphosate nous raconte une histoire de l’Union européenne, mais aussi de nos gouvernements nationaux.

Le lundi 27 novembre, donc, l’Union européenne a trouvé une majorité qualifiée pour prolonger la durée de vie du glyphosate jusqu’en 2022. Et le vote ne fut arraché qu’à la faveur d’un revirement allemand dont il faudra bien un jour éclaircir les ressorts. Angela Merkel a feint la surprise: comment? Son ministre de l’Agriculture aurait de lui-même trahi les arbitrages décidés en commun au sein de la coalition gouvernementale? Immédiatement, la chancelière a infligé un blâme à l’indélicat. Voilà qui devrait le transir d’effroi et de honte…

La question n’est pas tant de savoir si Angela Merkel a tranquillement accordé un blanc-seing à son ministre pour préserver les intérêts de Bayer, en pleine procédure pour le rachat de Monsanto. Ce ne serait pas la première fois que l’Allemagne privilégierait son industrie, et le «dieselgate» a prouvé combien les intérêts des grands groupes allemands relevaient de la priorité nationale outre-Rhin. Mais Angela Merkel devait être consciente que son nouvel homologue français avait fait de ce vote un symbole. La demande française d’une réautorisation pour seulement trois ans n’était pas seulement une lubie de Nicolas Hulot et de quelques écologistes. C’est tout l’exécutif français qui avait pris position en ce sens. Une façon de faire mentir ceux qui craignent un abandon en rase campagne des promesses en matière d’environnement, après le cafouillage sur l’interdiction des néonicotinoïdes, l’entrée en vigueur supposément provisoire du Ceta et le recul sur les engagements autour du nucléaire.

Le mythe du couple franco-allemand

Cet enjeu aurait-il échappé à la si précieuse partenaire allemande? Angela Merkel ne pouvait ignorer à quel point cette réautorisation votée au dernier moment par l’Allemagne allait faire passer les grandes déclarations d’Emmanuel Macron sur la refondation de l’Europe pour ce qu’elles sont: un joli conte pour enfants. Peut-être même s’en est-elle délectée, cette chancelière que les médias occidentaux prétendent en perte de vitesse, supplantée par un jeune homme cool et dynamique promis à devenir «le prochain leader de l’Europe». Car, dans le carcan des traités européens, conçus pour limiter toute volonté régulatrice des États face au pouvoir des multinationales, la refondation ne se décrète pas à coup de discours lyriques devant des assemblées d’étudiants pâmés.

Cette triste révélation était passée inaperçue quand l’annonce d’une renégociation de la directive travailleurs détachés avait fait oublier que le secteur des transports en était exonéré. Elle devient aujourd’hui incontournable. Au pied du mur, le voisin allemand se contrefiche d’un couple qui n’existe que dans les titres de la presse française, et préserve ses intérêts, ses emplois, son industrie (et désormais son agriculture, dont il entend bien étendre les marchés au détriment de la France).

Changer les règles de ce jeu de dupes réclame plus que des déclarations et des sourires

Ou alors, mais il y aurait vraiment quelque mauvais esprit à le supposer, cette décision allemande satisfait l’exécutif français, ravi que l’Allemagne endosse ce rôle de fossoyeur des sols et des rivières, pendant que la France peut encore, à peu de frais, proclamer la main sur le cœur sa volonté d’en finir avec un herbicide qu’il sera bien difficile d’éliminer dans trois ans, quand tout le reste de l’Europe l’autorisera encore.

La satisfaction benoîte du ministre de l’Agriculture pourrait le laisser croire, mais non! Il serait inconvenant de se demander pourquoi, des deux côtés du Rhin, on offre le ministère de l’Environnement à de gentils écologistes ou apparentés, pendant que le cœur du réacteur, le ministère de l’Agriculture, là où se décide réellement l’avenir, est systématiquement confié à un proche des lobbys agro-industriels, quelqu’un qui fera son possible pour freiner toute évolution vers un modèle d’agriculture fondé sur le respect des sols et la limitation des intrants chimiques.

Changer les règles de ce jeu de dupes réclame plus que des déclarations et des sourires. Un bras de fer, de la volonté, le sens de l’intérêt national et la foi dans un régime, la démocratie, qui nous prescrit que le choix des citoyens, celui de voir disparaître un herbicide, celui de limiter le libre-échange ou celui de maîtriser la libre circulation d’hommes et de capitaux, doit s’imposer à toutes les bonnes raisons, tous les impératifs de gouvernance. Pour l’heure, la démocratie pèse aussi peu que la France.


Source:©  Natacha Polony : «La France, combien de divisions en Europe ?»

2 Responses to "Natacha Polony : «La France, combien de divisions en Europe ?»"

  1. Jean Pierre Neuhans
    Jean Pierre Neuhans   2 décembre 2017 at 19 h 50 min

    Vieille formule de Staline, Le Vatican, combien de divisions?

  2. Abe Foufa
    Abe Foufa   2 décembre 2017 at 23 h 45 min

    ??

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