Mathieu Bock-Côté : «La droite peut-elle se relever de ses ruines ?» 

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CHRONIQUE – Devant un RN qui semble structurellement condamné à l’opposition, la droite peut retrouver sa chance.

Peut-on réfléchir à l’avenir de la droite au moment où elle semble
entrer dans une phase nouvelle de décomposition? Ses leaders ont beau
répéter le mot «refondation», dans les faits, ils sont animés par la
logique du sauve-qui-peut, qu’ils maquillent par de vagues références
doctrinales quelque peu datées. Ainsi en est-il de l’appel au
rassemblement de la «droite et du centre», quelque peu anachronique dans
un monde où le clivage gauche-droite semble se brouiller comme jamais,
au point où on peine à préciser ses critères constitutifs. Que veut
dire, aujourd’hui, sérieusement, l’ouverture au centre?

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Mais cet appel a surtout pour fonction de marquer une rupture avec un
parti qui se serait laissé entraîner dans le piège de la
«droitisation». On donne ainsi des gages au système médiatique, qui
demeure maître des étiquetages, en promettant de ne plus sortir de
l’espace où la droite est assignée et tolérée.

La droite se sent coupable: elle a provoqué le système et jure qu’on
ne l’y prendra plus. La mode est au procès du conservatisme. Rien de
nouveau sous le soleil. De la dénonciation de Patrick Buisson, en 2012, à
Sens commun, en 2017, à la philosophie politique de Bellamy,
aujourd’hui, c’est toujours la même chose: si la droite perd, c’est
parce qu’elle aurait voulu s’affranchir du périmètre gestionnaire où le
système politico-médiatique la confine.

Certains font du zèle en demandant furieusement pourquoi Les
Républicains «empruntaient les thèmes du Rassemblement national». C’est
une manière comme une autre de dire que la droite devrait cesser de
critiquer l’immigration massive et le régime diversitaire. Pour faire
bonne figure sous le signe d’un équilibrisme artificiel, ils dénonceront
les communautarismes chrétien et musulman. On condamne le premier, dont
l’existence est tout sauf démontrée, pour relativiser le second et
s’accorder un certificat de tolérance mondaine. On assimile au même
moment le patriotisme français à un communautarisme parmi d’autres. Mais
ce n’est pas la laïcité qu’on vante ainsi. C’est un multiculturalisme
qui ne dit pas son nom.

Ce fantasme localiste ne saurait
pour autant faire disparaître cette évidence : en tant que grand parti
national, la droite peine à trouver sa place.

Certains rêvent d’un grand parti néo-chiraquien qui ne serait ni un
satellite de LREM, ni une annexe bourgeoise du RN. Et puisqu’on ne
trouve pas vraiment sur la scène nationale l’espace pour l’inscrire, on
annonce sa renaissance à partir des «territoires», nouveaux lieux
mythiques porteurs apparemment d’une légitimité supérieure. Cela
donnerait peut-être même la chance à la droite d’embrasser la France
périphérique. Ce fantasme localiste ne saurait pour autant faire
disparaître cette évidence: en tant que grand parti national, la droite
peine à trouver sa place.

La recomposition politique en cours a sa propre logique. Le
macronisme s’impose ici à la manière d’un grand parti progressiste, avec
une aile «avancée», attachée aux progrès sociétaux, et une aile
libérale, qui entend mener des réformes décrétées nécessaires à la
modernisation économique de la France. Pour certains observateurs, ce
libéralisme économique revendiqué suffit pour en faire un parti de
droite, comme si la complaisance du parti présidentiel pour le
multiculturalisme ou l’immigration massive était un détail sans
conséquences. Ne nous laissons pas bluffer.

On ne marie pas contre leur volonté
un parti de notables et un parti d’insurgés encore attaché à la fonction
tribunicienne qu’il a longtemps occupée.

Théoriquement, dans un système à logique bipartite, il faudrait,
devant LREM, un grand parti de droite à la fois conservateur et
«populiste», dont l’émergence semble encore durablement entravée par
l’écartèlement des droites entre ce qui reste des Républicains et le RN.
On aurait tort, toutefois, de croire que la fameuse union des droites
serait la réponse à cette crise. On ne marie pas contre leur volonté un
parti de notables et un parti d’insurgés encore attaché à la fonction
tribunicienne qu’il a longtemps occupée. Les imaginaires politiques sont
trop contrastés et le système politique français ne pousse pas à une
culture de la négociation entre partis devant éviter de s’excommunier
mutuellement pour un jour coopérer.

Cela ne veut pas dire toutefois qu’il ne faudra pas parvenir à
rassembler ces électeurs que le gaullisme autrefois savait réunir.
Devant un RN qui semble structurellement condamné à l’opposition, la
droite peut retrouver sa chance. Elle ne parviendra, toutefois, à rien
si elle propose pas une forme de néo-bonapartisme s’incarnant
aujourd’hui à la manière d’un souverainisme conservateur, identitaire,
social et populaire. Mais le bonapartisme comme le gaullisme ne sont
rien sans un chef pour les incarner et transcender les tensions
idéologiques et sociologiques qui les tiraillent. Or on ne décrète pas,
hélas, le surgissement de l’homme providentiel. Il se peut que la
droite, dans les années à venir, doive prendre son mal en patience.


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Mathieu Bock-Côté

Source:© Mathieu Bock-Côté : «La droite peut-elle se relever de ses ruines ?» 

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