
CHRONIQUE – Nous assistons à la naissance d’un monstre sino-russe qui sera militairement le plus redoutable et le moins démocratique de la planète. Que faire?
Le monde libre, unanime, condamne à juste titre la brutalité et la folie de l’intervention russe en Ukraine. Face à cette guerre aussi douloureuse qu’inexcusable, les réponses les plus fortes sont désormais légitimes. Cela doit-il nous interdire de réfléchir aux responsabilités qui sont les nôtres?
Certains pensent pouvoir tout expliquer par la personnalité de Poutine, son autoritarisme et son rêve fou de reconstituer la Grande Russie. Je crains que les choses ne soient plus compliquées, que les anathèmes moralisants, quelle que soit leur part de vérité, interdisent de comprendre le fond de l’affaire. Pour commencer, nous aurions dû nous opposer, comme Nicolas Sarkozy et Angela Merkel le demandaient, à la promesse faite par l’Otan en 2008 d’intégrer l’Ukraine. Il fallait à la place organiser une grande conférence sur la sécurité en Europe.
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Ce fut un casus belli pour la Russie et, loin de protéger l’Ukraine, on la mettait en danger. Du reste, le président Zelensky lui-même se dit aujourd’hui prêt à discuter d’un «statut neutre» de son pays. Nous aurions dû ensuite veiller à l’application des accords de Minsk, qui prévoyaient des élections libres et une réforme constitutionnelle pour les régions russophones de Donetsket de Louhansk. Rien ne fut fait, alors qu’il était évident qu’après l’indépendance de l’Ukraine en 1991 les oblasts du Sud-Est entreraient en sécession de sorte que le conflit du Donbass prendrait autant l’allure d’une guerre civile que d’une intrusion russe.
Nous assistons à la naissance d’un monstre sino-russe qui sera militairement le plus redoutable et le moins démocratique de la planète
Enfin, nous aurions dû être attentifs aux signaux (investissements militaires, précautions financières), qui indiquaient que la Russie préparait une guerre, et tout tenter pour l’arrimer à l’Europe sur le plan économique, culturel et universitaire. Nous avons fait l’inverse. Ces observations n’excusent en rien Poutine, et la situation, maintenant, est désastreuse. Pour l’Ukraine, évidemment, mais aussi pour l’Europe, que les sanctions pénaliseront presque autant que la Russie ; désastreuse aussi pour cette dernière, désormais affublée d’un président qui suscite l’hostilité irréversible du monde libre.
Mais il y a pire, bien pire: nous assistons à la naissance d’un monstre sino-russe qui sera militairement le plus redoutable et le moins démocratique de la planète. Que faire? Les sanctions ne peuvent qu’osciller entre le trop et le trop peu. Elles auront un impact sur l’économie et le peuple russe, mais, à court terme, peu sur ses dirigeants. Engager des forces de l’Otan au risque d’une guerre nucléaire? Personne n’y songe. Intégrer l’Ukraine dans l’UE, y importer la guerre?
Est-ce compatible avec le statut de neutralité qu’évoque Zelensky? Il faut pour le moins clarifier. Armer l’Ukraine? Oui, mais seulement si l’objectif est clair et les armes adaptées: il ne s’agit pas d’augmenter la guerre et ses souffrances, ni d’alimenter l’illusion d’une victoire sur l’armée Russe, mais de rendre impossible, car trop coûteuse, une occupation de l’Ukraine. La priorité est maintenant de cerner ce que Poutine veut vraiment. On a bien compris qu’il voulait terroriser l’UE, venger son pays qu’il juge méprisé par elle depuis vingt-cinq ans. C’est fait.
Certains pensent qu’il rêve de reconstituer la sphère d’influence de l’URSS en occupant l’Ukraine. S’il est clair que Poutine veut se débarrasser de Zelensky par tous les moyens et qu’il faut tout faire pour l’en empêcher, une occupation de l’Ukraine serait pure folie: envahir est une chose, occuper en est une autre. Ce qu’il vise avant tout, comme en Ossétie ou en Crimée, c’est à réintégrer les populations russes que la chute de l’URSS a abandonnées dans les pays qui se sont émancipés. C’est bien sûr contraire au principe de la souveraineté des États.
Reste que c’est la réalité de l’histoire et que, si on organisait des élections libres dans ces territoires russophiles, il est probable qu’une majorité demanderait l’indépendance, voire un rattachement à la «mère patrie». Voilà pourquoi la seule solution résidait dans une organisation fédérale, dans une autonomie institutionnelle de ces régions, réforme d’ailleurs esquissée par les accords de Minsk, mais jamais appliquée. Est-il trop tard? C’est probable.
L’avenir nous le dira, mais nous aurions pu et dû tout faire pour prévenir cette rupture de la Russie avec l’UE. Emmanuel Macron a eu raison de parler à Poutine. Il va falloir continuer, comme Zelensky lui-même le demande avec calme et courage, aider l’Ukraine, bien sûr, mais parler aussi au peuple russe, car la Russie, qu’on le veuille ou non, restera notre voisin.
Luc Ferry: «Ukraine, comment en est-on arrivé là?» added by RichardA on
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mepriser poutine ne devrait pas etre
les responsables sont le senile biden et le belliqueux et exigeant zelenski !!
et les accords de minsk ?
La non invitation de zemmour est une grave erreur
COURAGEUX ET PATRIOTES UKRAINIENS SONT UN EXEMPLE QU’ ILS
ONT PAYE CHER HELAS
paix aux hommes de bonne volonte !!!