
VIDÉO – L’ex-président régional catalan, qui a quitté lundi son refuge belge, a réitéré sa volonté de «former un gouvernement».
Vous avez aimé les aventures de Carles Puigdemont en Belgique? Vous adorerez ses tribulations au Danemark! L’ex-président régional catalan, destitué par le gouvernement espagnol et réclamé par la justice après la proclamation de l’indépendance par le Parlement autonome, a quitté ce lundi son refuge belge où il s’était installé fin octobre. Le temps d’une conférence à l’université de Copenhague et, en principe, d’une rencontre avec des parlementaires prévue ce mardi, Puigdemont s’est permis une escapade étonnante au vu de sa situation judiciaire. L’échappée a donné un tour nouveau au jeu du chat et de la souris auquel il se livre à distance avec les tribunaux espagnols.
Copenhague est plus coopératif que Bruxelles pour exécuter les MAE. N’y a-t-il pas là une aubaine pour arrêter Puigdemont et le juger en Espagne ?
Car sur le papier, le voyage de Puigdemont était risqué. Un tribunal espagnol avait d’abord émis un mandat d’arrêt européen (MAE) contre le leader indépendantiste peu après son arrivée à Bruxelles. Mais un second juge, de la Cour suprême, avait hérité du dossier et avait décidé de retirer ce mandat. La justice belge tardait à exécuter le MAE et risquait, si elle livrait Puigdemont au tribunal espagnol, de limiter la possibilité de le juger aux seuls délits qu’elle estimait correspondre à son propre Code pénal. En retirant le mandat européen, et en maintenant l’ordre d’arrêter l’ex-président catalan sur le sol espagnol, le juge Pablo Llarena avait contraint Puigdemont à un choix: s’il voulait rentrer dans sa région, par exemple pour briguer un nouveau mandat, comme il en a annoncé l’intention, il devrait passer par la case prison.
Le départ de Puigdemont au Danemark a à nouveau changé la donne. Copenhague est plus coopératif que Bruxelles pour exécuter les MAE. N’y a-t-il pas là une aubaine pour arrêter Puigdemont et le juger en Espagne? C’est en tout cas ce qu’a considéré le parquet, qui a réclamé à la Cour suprême d’émettre un nouveau mandat dès que l’embarquement de Puigdemont sur le vol Charleroi-Copenhague de 6 h 55 était confirmé.
Une fois derrière les barreaux, et dans l’attente que la justice danoise ne statue sur son sort, Puigdemont pourrait faire valoir l’impossibilité légale qui l’empêche de se rendre au Parlement.
Dans l’après-midi, Pablo Llarena annonçait son refus d’émettre un nouveau MAE. Le magistrat a justifié sa position par la stratégie qu’il attribue à l’ancien président. Puigdemont a indiqué jusque-là vouloir se soumettre à distance à l’investiture du Parlement régional, une option que la plupart des spécialistes, dont les juristes de la Chambre, jugent contraire aux lois catalanes.
«Face à l’impossibilité légale de se présenter à l’investiture sans comparaître devant le Parlement, écrit le juge, l’idée de provoquer son arrestation à l’étranger doit offrir au suspect une justification de son absence, qui ne répondrait plus à la libre décision d’un fugitif de la justice, mais à la conséquence d’une situation qui lui serait imposée.» Dans l’esprit du magistrat, une fois derrière les barreaux, et dans l’attente que la justice danoise ne statue sur son sort, Puigdemont pourrait faire valoir l’impossibilité légale qui l’empêche de se rendre au Parlement, une situation prévue par le règlement de la Chambre. Par cette manœuvre, il pourrait réclamer avec succès de voter par procuration, voire de se soumettre à distance à l’investiture.
Le président catalan déchu a annoncé dès vendredi soir son intention de participer à la conférence et de prolonger son séjour pendant deux jours.
La thèse est hautement interprétative, mais elle semble corroborée par certains indices. Ainsi, le président catalan déchu a annoncé dès vendredi soir son intention de participer à la conférence et de prolonger son séjour pendant deux jours. S’il voulait réellement éviter son arrestation, pourquoi Puigdemont n’a-t-il pas plutôt organisé un déplacement éclair et ne l’a-t-il pas maintenu secret jusqu’au dernier moment?
Lors de sa conférence, Puigdemont a réitéré sa volonté de «former un gouvernement malgré les menaces de Madrid». Ses contradicteurs, deux professeurs danois de sciences politiques, ont accueilli ses critiques contre «l’autoritarisme espagnol» avec scepticisme. Une spécialiste de l’UE, Marlene Wind, lui a adressé une longue série de questions ressemblant à autant d’accusations. «La démocratie, lui a-t-elle ainsi demandé, est-ce seulement les référendums et les élections, ou est-ce aussi le respect des lois et de la Constitution?»
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