
Samsung a fermé sa dernière usine de PC et de portables en Chine. Comme pour les smartphones en 2019, la production devrait se déplacer vers le Vietnam.
Après les smartphones, les ordinateurs de Samsung ne seront plus assemblés par des ouvriers chinois. Le géant coréen de l’électronique va fermer son usine de Suzhou d’ici à la fin août. Trop cher, et trop risqué dans le contexte de la guerre commerciale avec les Etats-Unis : Samsung justifie la fermeture par « un effort pour améliorer l’efficacité à travers les bases de production ».
Depuis quelques années, Samsung déménage progressivement sa production de smartphones vers le Vietnam. Les PC et ordinateurs portables devraient prendre la même direction, d’après les médias coréens. Comme Samsung, de plus en plus d’entreprises de l’électronique cherchent à réduire leur production chinoise au profit d’autres pays, moins chers ou aux marchés plus prometteurs. Une tendance qui s’accélère depuis le début de la pandémie de Covid-19, et que les autorités chinoises font tout pour ralentir.
L’usine de Suzhou employait encore 1 700 personnes, qui seront licenciées ou envoyées vers d’autres sites du groupe. Mardi 4 août, le lendemain de l’annonce, des centaines d’ouvriers étaient rassemblés devant l’usine pour demander des indemnités de licenciement supérieures, d’après les médias chinois. C’est une page qui se tourne pour Samsung en Chine. Le site de Suzhou, ouvert en 2002 en plein boom de l’économie chinoise, était rapidement devenu son site principal pour les ordinateurs.
Coûts de production en hausse
Mais le marché des PC a fondu, de même que les parts de marché de Samsung tandis que les coûts de production enflaient : alors que le site exportait 4,3 milliards de dollars de produits et employait 6 000 personnes en 2012, il ne produisait plus que 1 milliard de dollars de matériel informatique en 2018, d’après le quotidien hongkongais South China Morning Post. En mars dernier, Samsung avait déjà annoncé la fermeture de tous ses sites de production d’écrans LCD, dont une usine déjà à Suzhou.
A plus long terme, ce sont les coûts de production en hausse qui menacent la place de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Longtemps l’avantage de la Chine, sa population en âge de travailler baisse depuis 2010. Aujourd’hui, l’âge médian en Chine est sept ans plus élevé qu’au Vietnam et neuf ans de plus qu’en Inde. Un ouvrier chinois coûte donc deux fois plus cher qu’un ouvrier vietnamien.
Le Vietnam multiplie les mesures d’incitation pour attirer les entreprises étrangères. Tandis que l’Inde a lancé un plan pour établir une industrie du smartphone dans le pays. Le « Production Linked Incentive Scheme » a déjà poussé 22 entreprises de smartphones dont Samsung, des géants de la sous-traitance comme Foxconn, Wistron ou Pegatron, à s’installer, aidés par une enveloppe de 6,6 milliards de dollars, a indiqué New Delhi le 1er août.
Ce processus a de quoi inquiéter la Chine : après la fermeture de la dernière usine de smartphones de Samsung à Huizhou, dans le Guangdong, en octobre 2019, les exportations de la ville ont chuté de 27 % et des dizaines de fournisseurs ont fermé. « Les dirigeants chinois ont compris que le processus de mondialisation avait été sérieusement perturbé par la pandémie et par la montée du protectionnisme autour du monde, explique Feng Chucheng, spécialiste de l’analyse des risques politiques et cofondateur du cabinet de recherche Plenum, à Pékin. Alors que le monde se relève de l’épidémie, les gouvernements soutiennent leur demande domestique et renforcent leur chaîne d’approvisionnement. Le risque qu’ils essaient de moins dépendre de la chaîne d’approvisionnement chinoise est réel. »
« Stabiliser le commerce extérieur et les capitaux étrangers est de première importance pour la stabilité de l’économie chinoise et pour l’emploi » Li Keqiang, premier ministre chinois
Depuis le début de l’épidémie, les autorités ont redoublé d’efforts pour rassurer les entreprises étrangères : en mai, le président chinois, Xi Jinping, a cité la stabilité de la chaîne de production comme l’une des priorités à garantir pour l’économie. En juin, le premier ministre, Li Keqiang, présidait un symposium sur la stabilisation des investissements étrangers.
« Les investissements étrangers ont créé plus de 180 millions d’emplois directs ou indirects. Stabiliser le commerce extérieur et les capitaux étrangers est de première importance pour la stabilité de l’économie chinoise et pour l’emploi », a-t-il déclaré. Le premier ministre a notamment appelé à multiplier les baisses de taxes, à faciliter l’accès des entreprises étrangères aux subventions en Chine et à simplifier les formalités douanières.
Haute valeur ajoutée
Pour autant, la Chine garde un avantage certain pour les technologies plus avancées, avec un tissu industriel riche. « A court terme, la Chine est encore le meilleur marché pour les multinationales. Et la Chine est le seul pays à offrir une main-d’œuvre aussi qualifiée en même temps qu’une chaîne de production complète, analyse Feng Chucheng. Former la main-d’œuvre dans d’autres pays va prendre du temps. La Chine est aussi le premier marché au monde, avec une classe moyenne en progression. »
Pour les dirigeants chinois, le scénario idéal verrait l’industrie de pointe remplacer les usines d’assemblage. L’itinéraire de Samsung en Chine semble confirmer ce tournant : le seul site sur lequel le Coréen investit encore en Chine est une usine de production de cartes mémoire, une technologie à haute valeur ajoutée, qui emploie 3 300 personnes à Xi’an (centre). Un site que les autorités chinoises bichonnent : au printemps, malgré la fermeture des frontières chinoises, Samsung a pu envoyer 500 Coréens pour l’extension du site. Ils ont même échappé à la quarantaine obligatoire.
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