Les Français vivent de plus en plus dans les zones urbaines ; les périphéries attirent davantage

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Selon l’Insee, en 2020, plus de neuf Français sur dix vivent dans l’une des 699 aires d’attraction d’une ville. L’urbanisation se poursuit, avec ce phénomène notable : les communes de périphérie attirent plus.

Les Français sont de plus en plus nombreux à vivre dans une zone urbaine, ou à dépendre de l’attractivité d’une ville, selon l’Insee, qui vient de publier deux enquêtes sur le sujet. Celles-ci varient dans leur approche. Les champs d’étude et les critères retenus ne sont pas les mêmes. Mais leurs conclusions parlent d’une même réalité : l’urbanisation de la France se poursuit. Avec ce phénomène notable : les communes de périphérie attirent aujourd’hui de plus en plus, si ce n’est davantage que les villes-centres.

Prenons le premier critère, celui de l’unité urbaine. Les statisticiens de l’Insee la définissent comme un ensemble de plusieurs communes partageant une zone de bâti continu et comptant au moins 2 000 habitants. En dix ans, entre 2007 et 2017, 2,8 millions de personnes supplémentaires ont été recensées dans l’une des 2 467 unités urbaines du territoire.

L’ensemble de ces zones rassemblent aujourd’hui 52,9 millions d’habitants. Ils étaient 50,1 millions en 2007. Aujourd’hui, cela représente huit Français sur dix. Et cinq Français sur dix si l’on prend les seules unités urbaines de plus de 100 000 habitants.

La France a terminé sa transition urbaine

La seconde étude réalisée par l’Institut national de la statistique concerne les aires d’attraction d’une ville. Autrement dit, il s’agit de mesurer l’influence qu’exerce une ville sur les communes environnantes. Une aire est composée d’un pôle, défini à partir de critères de population et d’emploi, et d’une couronne, constituée des communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle.

Eh bien, en 2020, plus de neuf Français sur dix, soit 93 % de la population, vivent dans l’une des 699 aires d’attraction d’une ville. Plus de la moitié des habitants (51 %) se trouve dans les pôles, et 43 % dans les couronnes. « Avec 13 millions d’habitants, l’aire d’attraction de Paris concentre, à elle seule, près d’un habitant sur cinq », constatent Marie Pierre Bellefon, la responsable du pôle analyse territoriale de l’Insee, et ses coauteurs, dans leurs travaux.

La croissance de la population dans ces aires est principalement liée à une dynamique démographique. La France a terminé sa transition urbaine. La migration des campagnes vers la ville s’est arrêtée dans les années 1970, 1980. La hausse du nombre d’habitants repose donc essentiellement sur la natalité. L’évolution n’est toutefois pas identique d’un territoire à l’autre. Dans les aires d’attraction de plus de 700 000 habitants, la dynamique est beaucoup plus forte qu’ailleurs. Les habitants sont plus jeunes, le solde naturel (la différence entre les naissances et les décès) est donc très positif.

La croissance de la population dans ces aires est principalement liée à une dynamique démographique

Parmi les aires de 700 000 habitants, certaines métropoles du sud de la France, comme Bordeaux, Toulouse, Montpellier, mais aussi des villes frontalières comme Annemasse (Haute-Savoie), aux portes de Genève, sont aussi très attractives. Outre leur forte natalité, elles affichent un solde migratoire positif (on compte plus d’installations que de départs).

Les travaux de l’Insee (qui a aligné ses critères à ceux d’Eurostat et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE) permettent aussi, pour la première fois, d’observer l’influence qu’exercent en France des grandes villes étrangères. « Ainsi, sept aires sur le territoire français ont pour commune-centre une ville localisée à l’étranger », détaille l’étude : Bâle, Genève et Lausanne en Suisse, Charleroi en Belgique, Sarrebruck en Allemagne, Luxembourg et Monaco.

Crise du logement

Dans les aires intermédiaires (entre 50 000 et 700 000 habitants), la croissance est plus modérée. Pour les poches de moins de 50 000 habitants, et celles hors de toute attraction des villes, elle a même légèrement baissé ces cinq dernières années. Les personnes âgées y sont plus nombreuses. Le solde migratoire reste positif, mais il ne compense pas le déficit naturel.

Si on zoome davantage, on découvre des réalités plus fines. Ainsi, l’étude sur l’influence des villes montre que les périphéries sont aujourd’hui plus attrayantes que les communes-centres. « Dans les couronnes des aires, le solde migratoire est positif, et plus important que le solde naturel : de nombreux ménages s’installent en périphérie des grandes villes », précise l’Insee. Paris intra-muros n’échappe pas à la règle : la capitale se vide ainsi au profit de sa banlieue.

« Même les zones que l’on considère comme rurales sont intégrées dans un mode de vie urbain », Eric Verdeil, professeur de géographie et d’études urbaines à l’école urbaine de Sciences Po

Cela correspond à des cycles de vie traditionnels : les jeunes et célibataires s’installent en centre-ville, puis ils déménagent au moment de l’arrivée du premier enfant. Cela n’est pas nouveau. Le départ des familles vers des zones plus aérées était déjà une réalité dans les années 1960, voire dès les années 1920, au moment de la démocratisation du chemin de fer. Mais la crise du logement n’a fait que renforcer le phénomène.

Ces mouvements de redistribution des populations vers des banlieues périurbaines est ce qu’Eric Verdeil, professeur de géographie et d’études urbaines à l’école urbaine de Sciences Po, et auteur del’Atlas des mondes urbains (Les Presses de Sciences Po, à paraître), nomme « l’extension de l’urbain »« Il s’agit d’un mouvement d’intégration de la population dans une logique urbaine. Même les zones que l’on considère comme rurales sont intégrées dans un mode de vie urbain », décrypte-t-il. Ainsi, ces salariés qui vivent à 70 kilomètres d’une ville-centre, mais font des allers-retours pour leur travail.

Campagnes « avec un mode de vie urbain »

« Ce mouvement risque de s’accentuer avec le Covid et le développement du travail à distance, pronostique-t-il. Les zones rurales vont être habitées par des gens qui télétravaillent, ce qui va sans doute continuer à gonfler ces zones lointaines. » On assisterait alors à une reprise démographique des campagnes, « mais avec un mode de vie urbain ». « En France, c’est possible, car les infrastructures sont de très bonne qualité, poursuit M. Verdeil. Il y a Internet, et on n’est jamais loin d’une ligne TGV, d’une autoroute qui conduit à une métropole. »

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L’existence de données aussi fines permet de comprendre la dynamique d’occupation des espaces en France. Or, si elle persiste, cette poussée démographique des villes intermédiaires doit réinterroger les politiques publiques.

La mobilisation des « gilets jaunes » reposait notamment sur un sentiment d’abandon, lié à la fermeture des tribunaux, au départ de certaines administrations. « La question de savoir s’il est rentable d’investir là où la population est moins dense n’est toujours pas tranchée », relève l’auteur de l’Atlas des mondes urbains. Mais confronter ces données démographiques à celles des services publics permettrait d’accompagner, selon lui, au mieux cette urbanisation des périphéries.

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