
DÉCRYPTAGE – Si la direction d’EELV avance dans l’organisation, certains cadres s’interrogent encore sur d’autres modalités.
Les 27 septembre et 27 octobre 2016, les écologistes avaient été plus de 12.000 à départager quatre candidats. Yannick Jadot était sorti en tête devant Michèle Rivasi, Cécile Duflot et Karima Delli. Quatre mois plus tard, le parti décide de se rallier au candidat PS, Benoît Hamon. Aujourd’hui, la situation apparaît bien différente. Arrivés en tête aux européennes, riches de plusieurs métropoles emportées aux municipales, les écologistes sont convaincus d’engranger de nombreux élus aux régionales et départementales. Ils veulent faire de leur primaire de septembre le rendez-vous de la rentrée à gauche et s’en servir comme rampe de lancement de la campagne présidentielle. Ils espèrent plus de 100.000 votants, peut-être le double! Voir la Verte Karima Delli diriger une liste unifiée dans les Hauts-de-France allant des Insoumis aux socialistes, leur donne des ailes. Rien pourtant n’est encore assuré, pas même leur primaire.
Soucieux d’écarter les frontières de leur parti de quelque 10.000 adhérents, Europe Écologie-Les Verts a constitué un «pôle écologiste» avec plusieurs petites formations: Cap Écologie, Génération Écologie, Génération. s et le Mouvement des progressistes. C’est ce pôle qui discute de la primaire. Plusieurs points sont a priori actés: elle sera ouverte à tous par votes électroniques à condition de payer 2 euros et de s’engager à soutenir le vainqueur en 2022.
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Si le pôle espère attirer dix fois plus d’électeurs qu’EELV en 2016, il restera loin de la primaire de l’hiver 2017 au PS, où plus de 2 millions de votants au deuxième tour s’étaient déplacés. Les candidats écologistes devront obtenir le parrainage de 12 à 15 % d’un conseil de 200 cadres du pôle, chacun pouvant parrainer un seul candidat. Leurs projets seront déposés en juillet. Pour le moment, trois candidats sont en lice dont une seule officiellement: Sandrine Rousseau. Les deux autres, le député européen Yannick Jadot et le maire de Grenoble Éric Piolle, conservent une distance prudente. Car dès l’automne, Yannick Jadot a prévenu: «Si la primaire rend impossible l’impératif de rassemblement et devient une machine à diviser et donc à perdre, alors je prendrai mes responsabilités.»
La primaire chez EELV, c’est à se demander si ce parti a vraiment envie de se dépasser, voire de se confronter à la possibilité d’exercer le pouvoir
Un cadre au sein du pôle
Crédité depuis Noël de 7 à 9 % dans les sondages, il mène la course bien en tête, au même niveau que la socialiste Anne Hidalgo, tous deux quelques points derrière Jean-Luc Mélenchon. Outre son envie de s’affranchir d’une primaire coûteuse en énergie, source de divisions internes, le député européen s’interroge encore sur le meilleur processus pour désigner un candidat unique – et hypothétique – de la gauche. «Si on est convaincu qu’il faut une candidature unique dans l’espace situé entre Mélenchon et Macron, alors il faudra un processus de désignation à la taille de cet espace», a-t-il plaidé le 7 mars sur Radio J. Ajoutant: «Il ne faut pas que la primaire écologiste soit un obstacle à ce grand rassemblement.» De quoi ébranler les convictions?
Au sein du pôle, un cadre reconnaît que «ça patine un peu» sur la primaire chez EELV. «C’est à se demander, dit-il, si ce parti a vraiment envie de se dépasser, voire de se confronter à la possibilité d’exercer le pouvoir. Si quelques-uns sont très motivés, d’autres, nombreux, préfèrent faire 10 % seuls que 50 % en ouvrant les fenêtres…» «Ils jouent petit», regrette encore ce cadre, qui s’interroge aussi sur «l’absence d’un calendrier qui permette une véritable campagne de mobilisation ».
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Secrétaire général de Génération.s, Benjamin Lucas prévient: «L’écologie populaire peut vraiment drainer des électeurs partis depuis longtemps, nous devons susciter une dynamique qui dépasse le cadre de nos partis…» Lui aussi, même s’il se veut «loyal au pôle écologiste», se demande si cette primaire est le bon outil pour placer la gauche en situation de l’emporter. Membre de la Convention citoyenne pour le climat, l’activiste trentenaire Mathilde Imer porte cette question au sein de l’association 2022 ou jamais, constituée d’acteurs de la société civile, de l’économie sociale et solidaire… Objectif: faire pression, remplacer ou doubler la primaire des écologistes «dont le périmètre est trop restrictif», par «un processus large de désignation populaire». Ils attendent «500.000 personnes pour soutenir ce processus» et se présentent comme «un tiers de confiance, neutre, au sein de la gauche».
Le «vote préférentiel»
De son côté, la députée Delphine Batho, à la tête de Génération Écologie, s’interroge sur sa propre candidature et porte une proposition singulière pour éviter les divisions mortifères: le «vote préférentiel». «Plutôt que de sélectionner un candidat et d’éliminer les autres, il s’agit de classer les candidats par ordre de préférence, explique l’ancienne ministre. Rien de tel pour éviter le piège du présidentialisme et constituer un collectif.» «En 2022, assure-t-elle, la question de la réforme institutionnelle sera centrale, et cette primaire pourrait l’anticiper par cette innovation, suscitant une vraie dynamique de participation.»
Lors du dernier conseil fédéral, les cadres de EELV ont cependant voté contre. «Ce n’était pas une opposition franche, mais des interrogations», explique la porte-parole Sandra Regol. «Avec beaucoup de monde, le moindre ratage est plus difficile à gérer», avance-t-elle, prenant le risque de nourrir le procès en «petit bras».
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