Guillaume Tabard : «Des listes nationales aux européennes ou l'acte II de la recomposition politique»

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Emmanuel Macron veut instaurer un nouveau clivage entre «l'ouverture» et «le repli» dont la question européenne serait la meilleure illustration.

CONTRE-POINT – L’ambition d’Emmanuel Macron est de prendre la tête d’une grande campagne pro-européenne, en affaiblissant un peu plus les oppositions.

Retour au scénario initial. Durant vingt ans, de 1979 à 1999, les députés européens français furent élus sur des listes nationales. En 2003, reprenant une proposition du gaulliste Michel Barnier et du socialiste Pierre Moscovici, le gouvernement Raffarin fit voter un découpage territorial, créant huit grandes régions.

La raison affichée était noble: rapprocher les élus des citoyens et intéresser davantage les Français à l’Europe. Si tel était bien l’objectif, le fiasco fut total. Après trois élections selon ce découpage, qui connaît son député européen? Qui pouvait y croire d’ailleurs quand Dunkerque se retrouve dans la même circonscription que le Mont-Saint-Michel, quand Brest a les mêmes représentants qu’Angoulême, quand Pau vote avec Mende, Chartres avec Aurillac… et Nouméa avec Fort-de-France! Et sans l’avoir provoqué, le supposé rapprochement entre électeurs et élus a coïncidé avec leur éloignement des urnes. Comprise entre 39,3 % et 53,2 % de 1979 à 1999, l’abstention a atteint 59,4 % en 2009 et 57,26 % en 2014.

Pour La République en marche, l’intérêt électoral est évident. Même si sa victoire aux législatives lui assure une large couverture du territoire, sa jeunesse le prive d’un ancrage suffisant pour des campagnes locales

Mais revenir à une circonscription nationale, ce n’est pas uniquement prendre acte de l’échec de la régionalisation du scrutin. Ni même s’aligner sur la pratique de 22 des 28 pays de l’Union – les cinq autres pays étant divisés en circonscriptions étant le Royaume-Uni, l’Italie, l’Irlande, la Pologne et la Belgique. Choisir un mode de scrutin, c’est toujours prendre une décision politique. Un des artisans de la réforme de 2003 le confie sans ambages: «On avait supprimé les listes nationales pour emmerder Bayrou et Le Pen.» Ces deux calculs n’ont plus lieu d’être pour l’exécutif de 2017.

L’ambition d’Emmanuel Macron est de prendre la tête d’une grande campagne pro-européenne. Autrement dit, de nationaliser le scrutin. Et à enjeu national, listes nationales. Pour La République en marche, l’intérêt électoral est évident. Même si sa victoire aux législatives lui assure une large couverture du territoire, sa jeunesse le prive d’un ancrage suffisant pour des campagnes locales, alors que la «marque» Macron est la meilleure affiche pour une campagne nationale.

La liste de la majorité présidentielle cherchera à embarquer les pro-européens les plus fervents de chaque camp. En puisant à l’UDI, chez LR, au PS…

Surtout, le chef de l’État s’identifie à une ligne résolument pro-européenne et même fédérale, telle qu’il l’a développée dans son discours du 26 septembre à la Sorbonne. Lui qui prétend avoir cassé le clivage gauche-droite veut instaurer un nouveau clivage entre «l’ouverture» et «le repli» dont la question européenne serait la meilleure illustration. Chez les experts électoraux de l’exécutif, on assume vouloir faire des prochaines élections européennes un choc frontal entre «pro et anti-européens». Un choc entre deux discours tranchés, l’un incarné par le président de la République et l’autre porté conjointement et symétriquement par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Cela aurait pour effet – ou en tout cas pour objectif – d’occulter la campagne des Républicains et du PS, aux positions à la fois plus nuancées et plus diverses en leur sein sur l’Europe. Une manière de poursuivre la relégation des deux grands partis qui alternaient au pouvoir jusqu’à son élection.

Et Macron rêve d’aller jusqu’au bout de la logique. La liste de la majorité présidentielle cherchera à embarquer les pro-européens les plus fervents de chaque camp. Au-delà de LREM et du MoDem donc. En puisant à l’UDI, chez les Républicains, les radicaux, les écologistes, les socialistes…

Après l’acte I qui s’est produit au lendemain de l’élection présidentielle, l’objectif d’Emmanuel Macron est ainsi de provoquer l’acte II de la refondation politique. En élargissant un peu plus sa majorité. En affaiblissant un peu plus les oppositions.


 


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Source : © Le Figaro Premium – Guillaume Tabard : «Des listes nationales aux européennes ou l’acte II de la recomposition politique»

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