«Faim de série» N°21 : Lovecraft Country, l'enfer sur les routes du Sud

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LETTRE EXCLUSIVE ABONNÉS – Coups de cœur, pépites à rattraper, sorties de la semaine. Toute l’actualité des séries, par Constance Jamet.

Cette lettre me permet de partager avec vous mes coups de cœur. De vous dire mes espoirs, mes attentes mais aussi mes déceptions. Bref, de vous guider dans le maquis des fictions. Exceptionnellement voici une édition qui couvre la quinzaine à venir, histoire de rendre le retour au bercail plus exaltant ou plus frissonnant car HBO et OCS proposent le premier gros choc de la rentrée, la fiction horrifique Lovecraft Country qui file la métaphore entre monstres et racisme dans l’Amérique des années 50.

Autres montagnes russes d’émotions à venir, Big Little Lies . Après avoir brillé sur OCS, le thriller féminin de Jean-Marc Vallée avec Nicole Kidman, Reese Witherspoon et Laura Dern s’offre le prime de TF1. Pour ceux qui sont en mal de grand spectacle à sensation forte, Starzplay propose une bataille navale grandeur nature avec la deuxième saison de la série historique Das Boot où deux commandants de sous-marins nazis se livrent un duel sans merci. Pour les amateurs de films catastrophe (rares sur les grands écrans pour cause de coronavirus), la troisième saison de 9-1-1 démarrera en fanfare sur M6 avec un tsunami ravageant les abords de Los Angeles. Plus classique, la nouvelle série policière britannique de France 3 Les Enquêtes du commissaire Van der Valk met au goût du jour un héros d’Outre-Manche des années 80. Amsterdam ne pouvait rêver meilleure carte postale. Ceux qui veulent se remuscler les zygomatiques pourront s’exercer avec la comédie absurde de WarnerTV, Miracle Workers : The Dark Ages , où Daniel Radcliffe campe un prince moyenâgeux bien nigaud.

Lovecraft Country, des monstres et des hommes

Considéré comme le disciple d’Edgar Allan Poe, le romancier américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) a donné à la littérature fantastique et horrifique quelques-uns de ses textes classiques, parmi lesquels Celui qui chuchotait dans les ténèbres ou Les Montagnes hallucinées. L’écrivain prolifique inventa des monstres devenus emblématiques comme le Cthulhu. Mais ses œuvres sont aussi empreintes de ses opinions misogynes et racistes. Un héritage que la nouvelle série événement de HBO Lovecraft Country confronte.

Dans cette production de HBO, produite par le maître du genre Jordan Peele (Get Out) et J. J. Abrams, à découvrir sur OCS, la haine et les préjugés sont aussi terrifiants et létaux que les « êtres » bizarroïdes qui surgissent de la nuit ou d’un placard. Pulp et gore sans vergogne, Lovecraft Country est une allégorie débridée, à défaut d’être toujours subtile, qui dénonce l’horreur et le poids ancestral du racisme dans la société américaine. Le tout dans un écrin de costumes et de décors aussi soigné que Mad Men. Tiré du roman de Matt Ruff, Lovecraft Country se réapproprie la mythologie de H. P. Lovecraft et de ses confrères qui ont fait de la SF du début du XXe siècle l’exécutoire de leurs idéaux racistes, antisémites, d’où son titre.

Jonathan Majors et Jurnee Smollett-Bell
Jonathan Majors et Jurnee Smollett-Bell HBO

Vétéran de la guerre de Corée et bibliophile averti, Atticus (Jonathan Majors), son amie d’enfance Leti (la tornade Jurnee Smollett-Bell, qui éclipse ses partenaires) et son oncle George (Courtney B. Vance) entreprennent, dans les Fifties, un road-trip pour retrouver le père alcoolique d’Atticus qui s’est volatilisé dans un patelin de la Nouvelle-Angleterre dont aucune carte ne fait mention. Premier augure funeste! En route, la famille se fait prendre en chasse par un shérif qui les abattra s’ils n’ont pas quitté sa bourgade avant le coucher du soleil. Puis surgissent les monstres et une société occulte de ­riches hommes blancs…

Passé ce préambule, le feuilleton de Misha Green prend des airs d’anthologie. Tel X-Files ou La Quatrième Dimension, il revisite le thème de la maison hantée, de la chasse aux trésors surnaturelle façon Les Aventuriers de l’arche perdue. Les calamités et les mauvais esprits ne cessent de s’abattre sur Atticus et les siens, d’une résilience sans borne. Parfois manichéenne, la série imprévisible brille par sa créativité. Impossible de deviner d’un volet à l’autre le parti pris narratif quitte à brouiller la quête centrale. Le cinquième épisode, où l’hémoglobine coule à flots, explore le mythe de la métamorphose : la sœur de Leti se réveille sous les traits d’une femme blanche et découvre une liberté et insouciance inédite.

Lovecraft Country est à son apogée : une illustration des fractures historiques et psychologiques des États-Unis depuis leur colonisation. « Le racisme existe depuis la fondation de ce pays. C’est un fléau intemporel. Ce qui se passe dans les années 1950 a toujours coursnous confiait en interview Jonathan MajorsLe genre horrifique permet de rendre la peur qui traverse le quotidien de chaque Afro-Américain palpable et universel. »

La performance de la semaine

Harry Potter devant l’éternel, Daniel Radcliffe a fait des choix de carrière post-Poudlard audacieux et inattendus sur le grand, comme sur le petit écran. Après la comédie noire A Young Doctor’s Notebook aux côtés de Jon Hamm qui se déroulait dans la Russie du début du XXe siècle, l’ex-apprenti sorcier mettait le cap vers l’Au-delà dans Miracle Workers . Il campait dans cette série à l’humour absurde, qui empruntait beaucoup aux codes de la comédie de bureau, un petit fonctionnaire du paradis contraint d’accomplir un miracle s’il veut sauver l’humanité d’un Dieu désenchanté. Le comédien britannique était la force motrice derrière le projet qu’il a poussé à se concrétiser après être tombé sous le charme du roman satirique What in God’s name de Simon Rich. Le scénariste de l’émission de divertissements et de détournements Saturday Night Live récidive et choisit le format de l’anthologie.

Adieu les cieux, vive la boue et l’arbitraire du Moyen-Age. Miracle Workers : The Dark Ages, dont Warner TV diffuse mardi les dix épisodes de vingt minutes, se déroule dans une petite ville où les jeunes reprennent de génération en génération le métier de leurs parents. Tant pis si Alexandra Ramassemerde n’a aucune envie de s’occuper, comme son père (Steve Buscemi), des latrines de ses voisins. Ou si le Prince Chauncley préférerait monter sur scène et présenter son numéro de canards savants que d’être l’héritier d’un tyran sanguinaire.

Daniel Radcliffe et Karan Soni dans des négociations diplomatiques mal engagées
Daniel Radcliffe et Karan Soni dans des négociations diplomatiques mal engagées TBS/Warner

Fan de Tarantino et des frères Coen qui savent adapter leur humour à tous les genres et travaillent avec un petit groupe d’acteurs fidèles, Simon Rich marche dans leur pas avec ce pastiche qui veut aussi raconter ce qu’est de grandir dans une bourgade où rien ne semble ébranler l’ordre établi et le déterminisme social. En Chauncley, Radcliffe est d’une candeur et d’une immaturité nigaudes, mais le comédien rend palpable la bonne volonté du bougre et sa solitude. Loin de la mélancolie du premier volet, le comédien laisse éclater ici sa versatilité et ses aptitudes comiques. Il joue cette fois un rôle plus secondaire qui sert parfaitement cette métaphore à la Kaamelott de nos maux modernes : inégalités, informations erronées, classe politique inefficace.

L’agenda des sorties en série

Lundi 17 août

  • Lovecraft Country, OCS City

Mardi 18 août

  • Miracle Workers : The Dark Ages, Warner TV

Jeudi 20 août

  • Das Boot, saison 2, Starzplay
  • Reprise de la saison 10 de Profilage, TF1

Vendredi 21 août

  • Lucifer, saison 5, Netflix

Dimanche 23 août

  • Les Enquêtes du commissaire Van der Valk, France 3

Mardi 25 août

  • Big Little LIes, saison 1, TF1

Mercredi 26 août

  • Reprise de la saison 2 de The Resident, TF1

Jeudi 27 août

  • 9-1-1, saison 3, M6

Vendredi 28 août

  • Reprise de la saison 8 de Candice Renoir, France 2

Ce n’est pas de la fiction: l’annonce qui nous interpelle

Les producteurs de The Crown savent ménager leurs annonces et révèlent un par un les acteurs et actrices qui auront la lourde responsabilité de camper les Windsor dans la cinquième et sixième saisons de la série historique qui chronique le règne d’Elizabeth II. Alors que la figure de Lady Di fera enfin son apparition, cet automne, dans la saison 4 sous les traits de la jeune Emma Corrin, on connaît déjà le nom de la comédienne qui la remplacera pour retracer le divorce entre la princesse de Galles et son époux, le prince Charles, ainsi que sa mort prématurée à Paris. Il s’agit d’Elizabeth Debicki.

Lady Di sera campée pour la dernière décennie de son existence par l'Australiene Elizabeth Debicki
Lady Di sera campée pour la dernière décennie de son existence par l’Australiene Elizabeth Debicki Abaca

«L’esprit de la princesse Diana, ses paroles et ses actions vivent dans le cœur de tant de personnes. C’est un véritable privilège et un honneur de rejoindre une série magistrale, qui m’a rendue absolument accro dès le premier épisode.», s’est réjouit l’intéressée.

L’actrice australienne de 29 ans, née à Paris, a été révélée au grand public par Gatsby le Magnifique de Baz Luhrmann. Elle y jouait une joueuse de golf professionnelle, amie proche de l’héroïne campée par Carey Mulligan. Elizabeth Debicki s’est ensuite fait remarquer dans la série adaptée de John Le Carré The Night Manager et dans les thrillers Les Veuves et Agents très spéciaux: code U.N.C.L.E. . Celle qui campait avec brio la romancière britannique Virginia Woolf dans le biopic Vita et Virginia est aussi à l’affiche du très attendu et mystérieux Tenet de Christopher Nolan.

Jonathan Pryce
Jonathan Pryce Abaca

Autre addition au casting, l’acteur gallois Jonathan Pryce. Le comédien, nommé cette année aux Oscars pour Les Deux Papes, succède à Tobias Menzies dans ces deux saisons qui chroniqueront ces années 90 si tourmentées pour la monarchie anglaise, avec les divorces d’Anne, Charles, Andrew, l’incendie du château de Windsor et la mort de Diana. Pryce et Debicki donneront la réplique à Imelda Staunton qui remplace Olivia Colman sous les traits d’Elizabeth II et à Lesley Manville qui succède à Helena Bonham Carter qui incarnait la princesse Margaret.

PS : dans la catégorie remake des séries culte de notre enfance, après Madame est servie et La fête à la maison, c’est au tour du Prince de Bel-Air qui avait lancé Will Smith. Cette nouvelle version aura un ton plus dramatique que la sitcom originelle et se penchera sur l’intégration plus ou moins chaotique, source de comique en tout cas, d’un ado des quartiers pauvres de Philadelphie chez un oncle et une tante, bourgeois de Los Angeles. La star de Bad Boys et Men In Black sera un des producteurs.

Il n’est pas trop tard pour voir…

Sans même connaître le synopsis, l’affiche de Big Little Lies faisait rêver : Nicole Kidman, Reese Witherspoon, Laura Dern, Shailene Woodley. En 2017, HBO réunissait le gotha féminin d’Hollywood pour cette adaptation du roman de Liane Moriarty, Petits secrets, grands mensonges. Ce concentré de talents incandescents à l’écran fit main basse sur huit Emmy awards et quatre Golden Globes et signala une nouvelle montée en gamme des séries dites «de prestige», capables d’attirer des stars qui privilégiaient jusque-là le grand écran. Un triomphe que ceux qui n’ont pas OCS, pourront enfin savourer en clair sur TF1 dès mardi 25.

Kidman, Witherspoon et Woodley, le trio gagnant
Kidman, Witherspoon et Woodley, le trio gagnant TF1/HBO

Le soir d’un gala de charité dans une école huppée de Monterey, sur la côte californienne, un cadavre fort amoché est retrouvé. Il faudra sept épisodes pour découvrir son identité. Sur ce point de départ aguicheur déjà expérimenté par The Affair, David E. Kelley (Ally McBeal, The Practice) adapte avec une plume acérée et sardonique le best-steller de Liane Moriarty sur le rôle joué par trois épouses: Celeste (Nicole Kidman), enfermée dans un mariage passionnel et violent avec un mari bien plus jeune, Madeline (Reese Witherspoon), une maman hélicoptère en colère contre le monde entier qui prend fait et cause pour Jane (Shailene Woodley), la nouvelle arrivée, mère célibataire et défavorisée d’un petit Ziggy, accusé de harcèlement.

Nicole Kidman et Alexander Skarsgård
Nicole Kidman et Alexander Skarsgård HBO

Sous la caméra de Jean-Marc Vallée (Wild, Dallas Buyers Club), qui oppose les paysages majestueux de Big Sur aux maisons de rêve, prisons de verre de ces protagonistes perdus dans le confort et la vacuité du quotidien, couve une tragédie pleine de ressentiments et de secrets. Avec sa distribution cinq étoiles, la mini-série HBO donne des couleurs balzaciennes et chabroliennes à une intrigue sortie de Desperate Housewives. En prime, Kidman et Witherspoon y trouvent des rôles parmi les plus exigeants de leur filmographie, pourtant déjà bien fournie. le retentissement public et critique de Big Little Lies , qui évoquait frontalement la masculinité toxique et les violences conjugales, bien avant l’affaire Weinstein et l’émergence de #MeToo, fut tel que HBO commanda une saison 2 pour poursuivre l’histoire au delà de la trame de Liane Moriarty. Plus fraîchement reçue, elle peut quand même enorgueillir d’avoir su séduire Meryl Streep !

La citation

La seule monnaie dont j’avais besoin était la blancheur de ma peau

Lovecraft Country

À lire ailleurs

Variety décrypte dans un long papier d’analyse comment plusieurs des actrices, nommées aux Emmys awards, permettent d’espérer le déclin de certains stéréotypes attachés jusque là aux rôles féminin. A méditer ici.

Parlons-en!

Cette newsletter reprendra le lundi 31 août août, avec les séries événements de la rentrée, Grand Hotel, La Garçonne, Away ou The Boys. D’ici là, faites-moi part de vos remarques, de vos questions, de vos coups de cœur à [email protected].

 

Source:© «Faim de série» N°21 : Lovecraft Country, l’enfer sur les routes du Sud

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