Suppression de l’ISF : un échec politique

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ÉDITORIAL. Même si son impact économique reste difficile à évaluer, la réforme fiscale du début du quinquennat d’Emmanuel Macron s’est accompagnée d’un fort accroissement de la fortune des 0,1 % des Français les plus riches.

Editorial du « Monde ». Depuis le premier jour du quinquennat d’Emmanuel Macron, la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) n’aura cessé de nourrir un débat qui peine à trouver sa conclusion. En s’attaquant à une disposition si fortement symbolique, le président de la République a prêté le flanc à la critique.

« Cadeau fait aux riches » pour les uns, indispensable rééquilibrage de la fiscalité du capital, favorable à l’emploi et à l’investissement pour les autres, la question fait toujours l’objet d’interprétations diamétralement opposées, deux ans après la mise en œuvre de la mesure. Et le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité reconnaît sa difficulté à trancher entre les deux, dans son deuxième rapport, publié jeudi 8 octobre.

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Ce comité avait déjà rédigé un premier avis, en octobre 2019, qui concluait qu’il était trop tôt pour établir un bilan fiable. Un an plus tard, la prudence reste de mise quant aux effets de la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les revenus du capital.

Selon le comité, trois constats sont toutefois possibles. D’abord, le niveau des prélèvements sur le capital en France est désormais conforme à la moyenne de ce qui est pratiqué dans les autres pays développés. Ensuite, la réforme a permis de faire chuter le nombre des départs de contribuables fortunés. Enfin, la moindre taxation du capital a provoqué une augmentation spectaculaire du versement de dividendes en 2018, tendance qui s’est prolongée en 2019.

Creusement des inégalités

Sur le plan budgétaire, cela peut être considéré comme une bonne nouvelle, davantage de dividendes signifiant une assiette fiscale élargie et donc davantage de recettes pour l’Etat. Mieux vaut que ces revenus soient taxés plutôt qu’ils soient thésaurisés dans des structures financières hors de portée du fisc. En revanche, la contrepartie politique est embarrassante pour le pouvoir, d’autant plus qu’elle renforce un peu plus l’image d’un « président des riches », sinon des ultrariches.

Le comité d’évaluation constate en effet une extrême concentration au sein de la population des bénéficiaires des 23 milliards d’euros de dividendes versés en 2018. Les deux tiers de cette somme ont été captés par 38 000 personnes, et le tiers par seulement 3 800 personnes. En un an, la fortune des 0,1 % des Français les plus riches s’est accrue d’un quart – mouvement de concentration du capital incompréhensible pour l’opinion.

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Cet accroissement d’une fortune si concentrée est-il bénéfique à l’ensemble de l’économie ? A-t-il permis de réorienter l’épargne vers le financement des entreprises, moteur à terme de la création d’emplois ? Le comité d’évaluation n’est toujours pas en mesure de répondre avec certitude à ces questions. Ce bilan risque d’être d’autant plus compliqué à tirer que la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 va durablement brouiller les repères.

La réforme de l’ISF est donc, d’ores et déjà, un échec sur le plan politique pour Emmanuel Macron. En outre, elle est en passe de devenir anachronique. La crise a en effet encore amplifié le creusement des inégalités au profit d’une petite minorité de détenteurs du capital. Tandis que le risque de crise sociale s’accroît, une réflexion sur la fiscalité s’impose. Si l’ISF, qui avait un effet redistributif limité, n’était pas forcément l’outil adéquat, d’autres pistes, comme une réforme de l’impôt sur les successions ou une taxation plus forte des hauts revenus, doivent être envisagées. Il est indispensable que cette question fasse l’objet d’un débat approfondi lors de la campagne présidentielle de 2022.

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