
Des fouilles, menées en partenariat avec le Collège de France dans un couvent, ont permis d’exhumer une structure monumentale unique jusqu’alors inconnue dans la région
Construite par la main de l’homme, la structure massive datant
du 8e siècle avant l’ère commune a été découverte dans un couvent
catholique du centre d’Israël. Elle a peut-être servi d’ancien
sanctuaire pour l’Arche d’Alliance, selon Israël Finkelstein,
l’archéologue réputé de l’université de Tel Aviv. Exhumé à
Kiriath-Jearim, le sanctuaire va peut-être livrer de nouvelles
informations sur les machinations politiques des royaumes frères de
Judée et d’Israël.
Les vestiges d’un podium surélevé monumental ont été mis à jour
au sommet d’une colline de Judée que l’on associe depuis longtemps au
lieu biblique de Kiriath-Jearim. Selon la Bible, le lieu a été le foyer
pendant 20 ans de la légendaire Arche de l’Alliance avant d’être prise
par le roi David pour la faire défiler à Jérusalem.
Pourtant, la fouille menée conjointement par l’université de Tel Aviv
et le Collège de France ne s’est pas lancée à la recherche de l’arche
légendaire. De fait, Finkelstein, le co-directeur de la fouille, ne
croit pas à l’existence l’Arche de l’Alliance.
Il s’agit plutôt de trouver des preuves physiques, vieilles de
presque trois millénaires, de la situation géopolitique à la ville
frontière, située entre les deux royaumes monothéistes.
Selon Finkelstein, la grande plateforme surélevée a été construite
par le Royaume du nord comme un sanctuaire pour l’histoire biblique de
l’arche.
« Les fouilles de Kiriath-Jearim ont mis en lumière la puissance
d’Israël (le Royaume du nord) au début du 8e siècle, et peut-être aussi
sa domination sur la Judée », a déclaré Finkelstein au Times of Israël. Les recherches apportent aussi des informations sur un thème important dans la bible – l’Arche et son histoire ».

A l’été 2017, Finkelstein et les co-directeurs Thomas Römer et
Christophe Nicolle, en compagnie de 50 étudiants volontaires, ont lancé
les fouilles de la famille Shmunis à Kiriath-Jearim sur le terrain privé
d’un couvent catholique, situé à proximité du village israélo-arabe
d’Abu Gosh du centre du pays.
Selon Römer, un expert de la biblique hébraïque réputé dans le monde
entier, les histoires bibliques entourant l’Arche de l’Alliance ont
servi à des objectifs politiques. « Le fond de l’histoire originale
était de légitimer Kiriath-Jearim comme le nouveau sanctuaire après la
destruction ou l’abandon de Shilo », a écrit Römer dans un courriel
adressé au Times of Israël cette semaine.
En 1995 et 1996, il y a eu une petite fouille sauvage dirigée par
Gabriel Barkay avant la construction du couvent au sommet de la colline.
D’autres études avaient aussi été menées par Amir Feldstein dans les
années 1980, et par Boaz Zissu et Chris McKinny en 2013.
« Les études précédentes – à la fois les fouilles sauvages et
recherches – ont permis de brosser un tableau similaire de l’histoire de
l’implantation du site, même s’il n’y a pas eu de découvertes
notoires », a expliqué Finkelstein.
Mais c’était jusqu’à la découverte récente d’une plate-forme massive,
faite de la main de l’homme, qui a complètement changé la donne. Selon
les archéologues, le podium rectangulaire surélevé devait mesurer une
surface d’environ 150 mètres sur 110 mètres en recouvrant ainsi une zone
d’environ 1,65 hectare. Formée avec des murs typiques de l’Âge du fer,
avec 3 mètres de large et se dressant encore à 2 mètres de hauteur, la
structure est orientée exactement nord-sud et est-ouest.

C’est un élément singulier dans le Royaume de Judée qui, selon la Bible, régnait autrefois à Kiriath-Jearim.
Finkelstein et ses co-directeurs pensent que la plate-forme a pu être
un sanctuaire construit par le Royaume du Nord en commémoration de
l’histoire de l’Arche d’Alliance, une histoire fascinante qui évoque une
tradition partagée avec le Royaume de Judée.
Est-ce que cela pourrait être une indication de la lutte de pouvoir dans la région au 8e siècle avant l’ère commune ?
« Une affiliation du site au Royaume du Nord au début du 8e siècle
n’est pas surprenante, dans la mesure où Israël dominait la Judée à
cette époque et que l’Arche d’Alliance semble venir du nord, selon les
Livres de Samuel », a expliqué Finkelstein.
Selon un rapport préliminaire sur les fouilles menées par l’équipe,
« le but était probablement de légitimer Kiriath-Jearim comme le
‘nouveau’ sanctuaire de l’Arche. Si l’on suit cette logique, dans le cas
d’une affiliation au Royaume du nord, la plate-forme surélevée a été
construite afin d’accueillir un bâtiment de l’administration israélite,
dont un temple, afin de dominer le royaume vassal de Judée ».
Une colline avec vue
Le site moderne de Kiryat Jearim est bordé par Abu Gosh, un village
israélien célèbre pour sa grande diversité de magasins d’humus.
Aujourd’hui, il est aussi connu sous le nom de Telz-Pierre, en lien avec
les racines européennes de la communauté ultra-orthodoxe qui y réside.
Située à moins d’un kilomètre au nord de l’autoroute qui relie Tel Aviv
et Jérusalem, la colline sur laquelle se dresse le couvent est située
stratégiquement.
Selon le récent rapport préliminaire intitulé « Fouilles à
Kiryat-Jearim à proximité de Jérusalem, 2017 », qui a été publié en 2018
dans la revue annuelle Semitica évaluée par des experts du domaine, la
colline « offre une vue à 180 degrés des grandes étendues de la pleine
côtière et de la côte méditerranéenne (de Jaffa à Ashkelon) à l’ouest,
des quartiers ouest de la Jérusalem moderne à l’est et des montagnes de
Judée au sud-est ».

Aujourd’hui, la colline est ornée de terrasses en pente garnies
d’oliviers, qui fournissent un abri verdoyant à la construction en
pierre du couvent de 1906, à l’hôtel plus tardif, et à l’Eglise de Notre
Dame de l’Arche de l’Alliance de 1924.
De manière inhabituelle, la fouille archéologique est située sur la
propriété privée de l’église sous la protection du gouvernement
français, une situation qui découle d’un accord de 1949 avec l’Etat
d’Israël alors en développement. Aujourd’hui, le site accueille le
Couvent de l’Arche de l’Alliance, qui recouvre le sommet de la colline,
et est occupé par les Sœurs St Joseph de l’Apparition.
Il n’est pas possible de mener des fouilles au sommet, un point d’une
importance stratégique dans l’ancien monde : « Tout d’abord, nous ne
voulons pas perturber la paix du couvent ; ensuite, le sommet est
probablement victime d’érosion ; enfin, il a été construit sur un
important monastère de la période byzantine », a énuméré Finkelstein.
Pourtant, même avec la construction de l’église, il reste surprenant
qu’un site biblique aussi important n’ait toujours pas été fouillé.
« C’est peut-être lié au fait qu’il s’agit d’une propriété privée ; on
peut bien comprendre que le sœurs n’aient pas eu envie d’être dérangées.
Maintenant, avec l’implication du Collège de France, cela a été plus
simple d’obtenir le feu vert du couvent », a déclaré Finkelstein.
Dès la phase de préparation initiale, l’équipe a travaillé
étroitement avec les sœurs pour déterminer les endroits appropriés entre
les différentes structures du bâtiment. « L’interaction avec les sœurs
est cordiale et amicale », a précisé Finkelstein.
A la fin des fouilles, les sœurs pourront choisir d’ouvrir le site
aux touristes. Selon lui, les sœurs ont été très arrangeantes, mais
alors que les découvertes s’enchaînent, elles sont de plus en plus
préoccupées pour leur tranquillité d’esprit

De fait, l’analyse des objets retrouvés jusqu’à présent laissent peu
de place au doute qu’il s’agit du lieu biblique de Kiriath-Jéarim. Le
nom est mentionné dans plusieurs livres de la bible hébraïque, y compris
une histoire détaillée dans les Chroniques 13, 5-8, où le Roi David
transporte avec jubilation l’arche à Jérusalem.
« Et David est monté, et tout Israël, jusqu’à Baalah, c’est-à-dire,
jusqu’à Kiriath-Jearim, qui appartenait à Judah, a apporté l’arche de
Dieu… David et tous les Israélites ont joué, ont célébré de toutes leurs
forces devant Dieu, avec des chants et avec des harpes, des lyres, des
tambourins, des cymbales et des trompettes », peut-on lire dans la
Bible.
D’autres textes historiques, dont l’ancien nom directoire,
« l’Onomasticon » par Eusèbe de Césarée, un historien de l’église du
3ème et 4ème siècle et conseiller de Constantin le Grand, indiquent
aussi que cet endroit est le lieu biblique.
Pour consolider encore plus cette hypothèse, les archéologues notent
que le nom arabe du site, Deir el-ʿAzar, « semble être une déformation
du ‘Monastère d’Eleazar’, probablement le nom du monastère byzantin, qui
commémorait le nom du prête qui était en charge de l’Arche quand elle
était conservée à Kiriath Jearim (1 Sam 7 : 1) ».
Technologie pour sonder d’anciennes profondeurs
Pour déterminer le lieu de fouille le plus pertinent entre les
différents bâtiments du couvent, l’équipe a consulté des images
aériennes d’une étude bavaroise de la Première guerre mondiale mais
aussi des images aériennes modernes. L’équipe a aussi créé une
orthophotographie de haute technologie à l’aide d’un drone et d’un
Modèle d’élévation digitale.
« Les méthodes de haute technologie nous ont aidé à visualiser
l’ancienne topographie et à localiser les lignes des terrasses
principales. Ces modèles nous ont aidés à déterminer les lieux de
fouilles, qui se sont révélés très pertinents », a déclaré Finkelstein.

Même si l’équipe a exhumé d’innombrables objets, la découverte des
murs de la plate-forme de l’Âge du fer reste sans conteste son succès le
plus important.
« Incontestablement, l’existence de ces murs, qui soutenaient une
plate-forme surélevée de l’Âge du fer, est la découverte la plus
importante jusqu’à présent », a dit Finkelstein.
Avec la visualisation en 3-D du mont, quand les preuves de
l’existence de la plate-forme ont finalement été découvertes, a déclaré
Finkelstein, « j’étais surpris sans vraiment l’être. Surpris, parce que
ce type de podiums surélevés est surtout connu dans le Royaume du Nord
(Israël, et nous sommes à sa frontière la plus au sud. Mais pas vraiment
surpris, car en observant la topographie et l’orthophotographie, je
soupçonnais l’existence d’une plate-forme surélevée au sommet ».
La plateforme, un exploit architectural monumental, nous force à nous
demander qui l’a construite ? Quel peuple aurait pu avoir la capacité
de la construire à l’époque qui est suggérée par les datations de
poterie et l’apparence des murs ? Comme pour compliquer encore plus les
choses, on manque de découvertes marquées culturellement. « Il n’y a
rien dans la matière culturelle, si ce n’est le podium, pour indiquer
qu’il s’agit du nord », a remarqué Fintelstein.
Contrariés, les scientifiques ont eu recours à la datation de haute
technologie par Luminescence optique stimulée (LOS). Cette méthode a
suggéré que la plate-forme datait de la période de l’Âge du fer IIB,
soit environ au 8e siècle avant l’ère commune.

« En gardant à l’esprit la dimension monumentale de la construction,
et le fait qu’aucune plate-forme de ce type n’est connue en Judée, il y a
deux possibilités dans l’Âge du fer IIB : il pourrait s’agir d’une
entreprise risquée assyrienne après l’an 720 de l’ère chrétienne, ou
d’une construction israélite du nord avant 732 avant l’ère commune, à
savoir avant le début du déclin du royaume en 747 avant l’ère
chrétienne », ont écrit les archéologues dans leur rapport.
Selon les archéologues, d’autres plate-formes similaires étaient bien
connues dans le Royaume du Nord lors de la fenêtre de temps suggérée, y
compris dans la capitale de Samarie. Typiquement, ces plate-formes
consistaient en des supports muraux massifs remplis de terre qui
formaient une colline artificielle.
Les débris de poterie retrouvés à proximité du mur datent de l’Âge de
fer IIB (900 à 700 avant l’ère chrétienne), ont déclaré les
archéologues et la date de la construction pourrait aussi indiquer le
Royaume du Nord : « Une plate-forme surélevée à Kiriath-Jearim aurait pu
être construite par Israël après sa domination sur la Judée par
Joash », comme c’est noté dans 2 Rois 14 : 11-13.
« De manière cohérente, le règne de Jéroboam II (788-747 avant l’ère
chrétienne), au milieu du 8e siècle, correspond bien à la fois à la
datation par LOS et des céramiques », ont souligné les auteurs.
Pendant les fouilles, et en comparant les conclusions effectuées sur
d’anciennes fouilles plus petites, les archéologues ont mis en évidence
un mouvement d’implantation continu et intensifié dans le sillage de
l’Âge de fer IIC (700-586 avant l’ère chrétienne), tout comme la
reconstruction de la plate-forme. Une autre reconstruction a eu lieu
pendant les périodes hellénistiques tardives. « Il pourrait s’agit des
efforts de fortification entrepris par le général séleucide Bacchidès »,
ont suggéré les universitaires.
Une plate-forme pour tous les commander
La deuxième période de fouilles commencera en août 2019 avec une
équipe aussi importante, composée de professionnels et de volontaires.
« Cette fois aussi, nous prévoyons de nous focaliser sur les grands murs
qui soutiennent la plate-forme surélevée », a déclaré Finkelstein.
Finkelstein, qui considère l’Arche de l’Alliance comme une légende et
non un fait, a dit qu’il n’y a pas de preuve physique à Kiriath-Jearim
démontrant que l’arche y aurait résidé historiquement – il ne s’attend
d’ailleurs pas non plus à en trouver. Pourtant, l’équipe souhaite
comprendre pourquoi la légende s’est développée.

« Pourquoi l’histoire de l’Arche du nord a été introduite dans la
bible est une très bonne question. C’est une des traditions du nord qui a
trouvé son chemin jusqu’au sud. Peut-être l’idée était-elle d’expliquer
comment l’arche a pu aller jusqu’à Jérusalem », a-t-il expliqué.
Le co-directeur Römer des fouilles de Finkelstein a également donné
son point de vue : « l’histoire de l’arche a été introduite dans la
Bible car dans sa présente forme, elle donne de la légitimité à
Jérusalem comme le seul sanctuaire ‘officiel’ de YHWH, puisque selon le
récit biblique, David y a transféré l’arche depuis Kiriath Jearim ».
« Les rédacteurs tardifs ont accordé une courte période de résidence
pour l’arche à Kiriath Jearim [dans 1 Samuel 7:2: il est écrit que
l’arche y est restée pendant 20 ans] afin de suggérer que l’arche est
arrivée assez rapidement à Jérusalem. Mais historiquement parlant, cela
s’est produit bien plus tard, probablement sous le règne du Roi
Josiah », a écrit Römer.
La grande plate-forme de Kiriath Jearim aurait disposé de plusieurs
fonctions, étant à la fois un sanctuaire et un lieu administratif de
pouvoir, ont déclaré les scientifiques.
« Une plate-forme peut, bien évidemment, contenir un sanctuaire, a
déclaré Römer, et le fait que selon Samuel 7:1 l’arche ne soit pas
retournée à Shiloh d’où elle a été capturée, mais soit venue à Kiriath
Jearim, indique clairement la fonction de culte de l’endroit ».
Finkelstein a suggéré que l’histoire de l’Arche a pu « servir
l’idéologie du Royaume du Nord à l’époque de Jéroboam II, mais aussi les
besoins territoriaux réels qui provenaient de la domination de la
Judée ».
« Je suspecte que ce sanctuaire de l’arche faisait partie d’une
idéologie d’Israël unifié (dirigé depuis la Samarie) – le précurseur du
concept ensuite développé de Monarchie unifie Judahite », a expliqué
Finkelstein.
Source :© Découverte d’un site biblique lié à l’Arche d’Alliance dans le centre d’Israël
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