Covid-19 : découvrez le niveau de circulation du virus dans votre ville grâce aux eaux usées

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FIG DATA – Dans certaines métropoles, la concentration de virus dans les eaux usées était plus importante en février 2021 que pendant la première vague.

Depuis le 4 mars, 23 départements sont sous étroite surveillance, au nord et à l’est du pays. Après les confinements partiels de Nice, du littoral des Alpes-Maritimes, de Dunkerque et du Pas-de-Calais, seront-ils à leur tour la cible de nouvelles restrictions pour freiner la propagation du Covid ? Comment savoir dans quel sens évoluera leur situation sanitaire, quand l’impact de la circulation du virus prend plus d’une semaine à se répercuter sur les indicateurs usuels de suivi de l’épidémie ?

 

Un indicateur précoce permet d’apporter un élément de réponse : la concentration en virus des eaux usées. Une personne infectée par le Covid va en effet excréter le virus dans ses selles avant même de développer le moindre symptôme (et d’être testée donc a priori). Les quantités de virus présentes dans les eaux des stations d’épuration peuvent ainsi donner une idée de son niveau de propagation avec un temps d’avance sur les courbes épidémiques.

À Nice, par exemple, le taux d’incidence du Covid-19 augmente depuis la mi-décembre mais « le niveau de circulation du virus était très élevé depuis plus longtemps », affirme Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université et cofondateur du Réseau Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées) financé par le ministère de la Recherche. Il était en hausse depuis au moins septembre 2020.

Autre avantage : cet indicateur est passif car il ne dépend pas de la politique de dépistage menée, contrairement au taux d’incidence ou au taux de positivité. Et contrairement aux données hospitalières, il ne dépend pas de l’âge ou de la vulnérabilité des personnes infectées.

La circulation du virus suivie dans 116 stations

Le réseau créé en avril 2020 suit actuellement la circulation du virus dans 116 stations en France métropolitaine. Nous vous proposons de visualiser l’évolution de cet indicateur dans les stations qui vous intéressent. Vous pouvez la mettre en regard de l’évolution du taux d’incidence du Covid-19 à l’échelle du département, de la région ou de la métropole, selon les cas.

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Cela vous permettra notamment de voir que les zones les plus épargnées par le virus sont la côte ouest et le sud-ouest, à l’exception des métropoles toulousaine et nantaise. À Quimper par exemple, le niveau de circulation est bas depuis le début des prélèvements fin janvier. Si bas que le Réseau Obépine ne le détecte pas toujours dans les eaux usées. Le taux d’incidence du Covid-19 est d’ailleurs assez faible dans le département du Finistère : il varie entre 35 et 60 cas de Covid-19 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale se situe entre 190 et 215, en février.

Forte circulation du virus dans les agglomérations du nord et de l’est

Dix villes montraient en février 2021 un niveau moyen de circulation du virus élevé ou très élevé : Dunkerque, Marseille, Nice, Roanne, Montpellier, Cholet, Lyon, Paris, Troyes et Strasbourg. La concentration de virus dans les eaux usées y était même nettement plus importante que lors de la première vague !

Toutefois, ces villes ne sont pas toutes dans la même dynamique. À Nice, la tendance restait à la hausse lors des dernières analyses. Elle était plutôt stable à Lyon, Roanne et Troyes au cours de la dernière semaine. « Dans beaucoup d’endroits où le niveau de circulation est haut, il est plutôt stable », précise Yvon Maday, professeur en mathématiques appliquées à Sorbonne Université et membre lui aussi du Réseau Obépine. « Il y a eu une montée très importante au début de l’année, et cela s’est plutôt stabilisé depuis. Il s’agit peut-être de l’effet d’une meilleure application des gestes barrières. »

À Cholet, Marseille et Strasbourg, le niveau oscille un peu : après une baisse fin janvier et début février, il remonte depuis le 10 février environ. Quant à Montpellier et Dunkerque, la circulation du virus semble plutôt y baisser au cours de la dernière semaine d’analyses, après avoir fortement augmenté à Dunkerque début février.

En Île-de-France, la tendance est plutôt à la hausse, en février. Déjà assez élevée, la circulation progresse dans cinq des six stations suivies par le Réseau Obépine dans la région. Mais, dans la station qui couvre l’agglomération parisienne (Seine-Centre), la circulation du Covid-19 semble plutôt stable en février, avec des oscillations ; elle reste à un niveau élevé.

 

Plus largement, en février, le virus circule à un niveau au moins comparable à celui de la première vague dans plus de 30 agglomérations suivies par le Réseau Obépine. Elles se trouvent principalement dans le nord et l’est de la France métropolitaine, recouvrant globalement les zones déclarées sous surveillance par le gouvernement. Mais le SARS-CoV-2 circule également à un niveau assez élevé dans plusieurs agglomérations d’Occitanie – Toulouse, Béziers, Montpellier… – et dans les Pays de la Loire – à Nantes et Cholet.

Un « point d’alerte » à Lille

À Lille aussi, le virus circule en février à un niveau comparable à celui de la première vague. C’est « typiquement un point d’alerte », estime Vincent Maréchal, soulignant qu’une « grande vigilance » est nécessaire dans les Hauts-de-France en général.

La circulation du virus dans les eaux usées y est fortement repartie à la hausse à partir de mi-septembre, soit une dizaine de jours avant que le taux d’incidence du Covid-19 commence à grimper en flèche dans la métropole. Puis, en novembre et décembre, les deux indicateurs ont rapidement décru. « Depuis la mi-janvier, on repart sur une hausse significative et rapide » dans les eaux usées, poursuit le cofondateur du Réseau Obépine. « Avec le variant qui prend la main et la tension hospitalière qui n’est pas très bonne, il faut être très vigilant. »

La circulation du virus augmente fortement à Lille depuis début janvier 2021 Source : Réseau Obépine. Réalisation : Fig Data.

À Nice, « pas vraiment d’effet » du deuxième confinement et des couvre-feux

Nice ayant fait l’objet de mesures restrictives spécifiques, son cas est particulièrement parlant. Le confinement le week-end a été décidé par les pouvoirs publics après plusieurs mois de hausse des indicateurs de suivi de l’épidémie.

La circulation du virus n’a pas baissé à Nice lors du deuxième confinement Source : Réseau Obépine. Réalisation : Fig Data.

En effet, « nous n’avons pas vraiment vu d’effet du deuxième confinement et des couvre-feux sur la circulation du virus à Nice », analyse Vincent Maréchal. Le niveau tendait à croître depuis le début des prélèvements dans la station locale début septembre avant de se stabiliser en novembre et décembre, sans vraiment baisser. Le taux d’incidence dans les Alpes-Maritimes a pourtant été divisé par près de 3 lors de ce deuxième confinement. Une telle décorrélation entre les deux indicateurs peut être liée au fait que le virus circule dans des populations moins à risques de développer des formes symptomatiques voire graves du virus, selon Vincent Maréchal.

« Depuis la mi-janvier, la circulation du virus est très fortement à la hausse », poursuit-il. Entre début janvier et fin février, elle est passée d’un niveau comparable à celui de la première vague à un niveau nettement plus élevé. « Cette tendance à la hausse est plus douce, mais claire, dans les données épidémiologiques », commente le professeur de virologie. En effet, le 19 février, le taux d’incidence a dépassé les 800 cas pour 100 000 habitants dans la métropole.

Dans d’autres agglomérations, l’effet du deuxième confinement était plus notable. C’est le cas à Toulouse par exemple où la circulation du virus y était élevée début novembre avant de redescendre à un niveau moyen aux alentours de Noël.

Un effet « vacances » à l’Île-d’Yeu

Les raisons du faible impact du deuxième confinement et du couvre-feu à Nice ne sont pas évidentes, mais les chercheurs ont clairement identifié un facteur qui accentue la circulation du virus : les vacances, en particulier dans certains territoires plutôt isolés et assez touristiques.

La circulation du virus remonte à l’Île-d’Yeu lors des vacances de la Toussaint et de Noël Source : Réseau Obépine. Réalisation : Fig Data.

C’est le cas à l’Île-d’Yeu, qui se situe au large de La Roche-sur-Yon dans les Pays de la Loire. « Avant Noël, le niveau de circulation du virus y était très bas. Puis, pendant les vacances de Noël, nous avons constaté un double effet du retour des élèves sur le continent et des vacances, donc du tourisme, qui a entraîné une augmentation très importante de la circulation du virus », analyse Yvon Maday. « En janvier, le niveau a à nouveau baissé avant de repartir à la hausse mi-février. » Cet effet « vacances » était également notable au moment des vacances de la Toussaint, juste avant le deuxième confinement.

Le 1er mars, Emmanuel Macron, interrogé par un étudiant sur le couvre-feu, a demandé aux Français de tenir encore quatre à six semaines. Est-ce à dire jusqu’aux vacances de Pâques ?

Le variant anglais à Paris, Dunkerque, Chamonix, Troyes et Cagnes-sur-mer

Le Réseau Obépine travaille aussi sur la circulation des variants. Il ne détecte pas directement leur présence dans les eaux usées, parce qu’elles «contiennent des morceaux de virus, et pas leur génome entier », indique Yvon Maday. Mais il trouve parfois la trace de ces variants au travers de mutations caractéristiques.

Les chercheurs ont notamment trouvé fin février une mutation spécifique du variant anglais dans environ la moitié des séquences analysées à Paris, 67 % des séquences de Grande-Synthe (Dunkerque), les trois quarts à Cagnes-sur-Mer et surtout 100 % à Chamonix et Troyes. Pour l’instant, seules 20 stations font ce type d’analyse, mais le Réseau Obépine souhaite systématiser la démarche et étendre ses recherches à d’autres mutations.

Sources et méthodologie

Sources :

Méthodologie : Pour estimer la circulation du SARS-CoV-2, le Réseau Obépine réalise des prélèvements d’eaux usées deux fois par semaine dans 116 stations. Ses neuf laboratoires analysent ensuite la concentration de génome du virus par litre d’eau. Cette donnée brute passe ensuite par un algorithme qui prend en compte différentes variables, comme le volume d’eau de la station, la pluviométrie et la population locale, afin de construire l’indicateur de tendance final.

Il est basé sur une échelle semi-logarithmique, où 0 correspond environ au seuil de détection du virus via la méthode d’analyse du réseau et 100 au niveau de circulation atteint lors de la première vague. Entre deux prélèvements, l’évolution de la circulation du virus est extrapolée. Le réseau détaille sa méthode ici. Dans la mesure où il s’agit de recherches en cours, le Réseau Obépine continue à travailler pour améliorer la fiabilité de son indicateur.

Le choix a été fait de mettre cet indicateur en regard du taux d’incidence du Covid-19 pour 100 000 habitants car il s’agit de deux indicateurs de la circulation du virus dans la population. Pour les métropoles et pour la région Île-de-France, le taux était indiqué pour une semaine glissante (moyenne sur sept jours consécutifs). Les valeurs ont été rattachées au jour central de cette semaine glissante.

Le taux d’incidence de la métropole est indiqué pour les stations d’épuration de métropoles, sauf dans le cas de la capitale. Pour les stations d’Île-de-France, il a été décidé de montrer le taux d’incidence régional car la plupart des stations couvrent plusieurs départements.

Source:© Covid-19 : découvrez le niveau de circulation du virus dans votre ville grâce aux eaux usées

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