Charlie Parker, l’oiseau reste rare

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Il y a cent ans naissait l’homme qui révolutionna le jazz. Occasion de le fêter à travers sa discographie.

Charlie Parker fut l’un des musiciens les plus influents du XXe siècle. Figure légendaire de son vivant, sa disparition prématurée en 1955 (à l’âge de 34 ans) en a fait un des mythes fondateurs du jazz. Dans le beau biopic que lui consacrait Clint Eastwood en 1988, Bird , une scène frappante. Elle se déroule à Kansas City, ville natale du musicien. Parker n’a que 16 ans au moment de la jam organisée autour de Jo Jones, batteur du Count Basie Orchestra. Hardi malgré son jeune âge, Parker perd pied lors de son improvisation, incitant Jones, rageur, à lui balancer une cymbale sur le pied. Humilié, Parker quitte alors la scène sous les sifflements, bien déterminé à se venger un jour.

 

L’improvisation reine

 

«À partir de ce moment-là, il s’est isolé dans les Ozark Mountains pendant quatre mois, s’entraînant quatorze heures par jour à jouer dans toutes les tonalités. En sortant, il savait tout faire», raconte Patrice Blanc-Francard, auteur du Dictionnaire amoureux du jazzL’histoire ressemble à celle du chanteur et guitariste Robert Johnson, passé de musicien moyen à génie absolu après une disparition de plusieurs mois. Il aurait, dit-on, vendu son âme au diable en échange de son talent, un soir au Crossroads. Le diable que croisera Parker dès son jeune âge pour ne plus jamais le quitter avait un nom: l’héroïne. Accro depuis l’âge de 16 ans, le saxophoniste, qui mourut à 34 ans, avait le corps d’un homme de plus de 60 ans à sa disparition, d’après le médecin qui l’a examiné.

 

 

À l’instar d’autres comètes de la musique comme Jimi Hendrix, disparu à 27 ans après avoir révolutionné la guitare électrique, Charlie Parker a changé le cours de la musique, et plané bien au-dessus des autres saxophonistes tout au long de sa brève carrière. «En 1941-1942, Parker met au point la première grande révolution du jazz: le be-bop. À une époque où la référence est Benny Goodman, il définit, avec Dizzy Gillespie et Thelonious Monk, un style que les Blancs ne pourront pas leur voler», explique Blanc-Francard. Ce qui se passe tous les soirs dans ce club de Harlem appelé le Minton’s Playhouse dépasse l’entendement: voilà de jeunes gens qui improvisent des heures sur des schémas harmoniques sophistiqués qui renvoient le jazz New Orleans et ses big bands au rayon des antiquités. Kenny Clarke et Charlie Christian sont eux aussi de la fête. Ce dernier, prodigieux guitariste, a fait ses classes chez Goodman, le «roi du swing ».

Il est toujours aussi fondamental que dans les années 1940. Lorsqu’on l’écoute, on a la mâchoire qui se décroche

Patrice Blanc-Francard, auteur du Dictionnaire amoureux du jazz

Charlie Parker influencera tous les saxophonistes arrivés après lui, autant pour de bonnes que de mauvaises raisons. Sa consommation d’héroïne et son mode de vie déglingué seront autant imités par les jeunes musiciens que ses éclatants chorus de sax ténor. «En devenant un exemple, il a orienté les plus jeunes vers l’héroïne», confirme Patrice Blanc-Francard, fin connaisseur de l’œuvre de Parker. Il faudra attendre l’émergence de John Coltrane pour trouver un saxophoniste d’une envergure aussi importante que Parker. Si Miles Davis a été repéré dans l’orchestre de ce dernier dès l’âge de 19 ans, c’est une fois établi comme leader qu’il contribuera à révéler John Coltrane au sein de son premier quintet, celui qui gravera Kind of Blue, best-seller du jazz depuis sa sortie en 1959. Coltrane emmènera le sax dans des contrées encore plus lointaines – le modal, puis le free-jazz -, mais le musicien ne cessera jamais de dire tout ce qu’il devait à Parker.

Aujourd’hui, Charlie Parker continue de faire partie des figures inaltérables de la musique. En une petite dizaine d’années de carrière, l’homme a laissé une empreinte indélébile. «Il est toujours aussi fondamental que dans les années 1940, précise Blanc-Francard. Lorsqu’on l’écoute, on a la mâchoire qui se décroche…» À la faveur de son centenaire, Parker est célébré tous azimuts. L’antenne de TSF Jazz consacre plusieurs émissions au musicien et le label Chant du monde édite une anthologie de 24 morceaux et une intégrale studio de 131 titres en 10 CD (Now’s The Time). On y trouve l’album que Parker enregistra avec une section de cordes, dont il était particulièrement fier.


 

 

Source:© Charlie Parker, l’oiseau reste rare

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