Ce que signifie vraiment la République

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FIGAROVOX/ANALYSE – Alors que le mot République est considérablement employé ces dernières semaines, Maxime Tandonnet revient sur sa signification profonde.


Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l’exercice de l’État
pour FigaroVox. Il est haut fonctionnaire, ancien conseiller de Nicolas
Sarkozy à la présidence de la République et auteur de nombreux ouvrages,
dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013. Son
dernier livre Au coeur du Volcan, carnet de l’Élysée est paru le 27
août. Découvrez également ses chroniques sur son blog.


Il est utile en cette période particulièrement troublée, quelques
jours après la «marche républicaine» de se pencher sur le sens profond
du mot le plus répandu du langage politique.

La République ne se
confond pas avec la démocratie. Celle-ci est un mode de gouvernement,
une méthode fondée sur le pouvoir du peuple, à travers le suffrage
universel direct ou un direct. La République est tout autre chose. Le
mot lui-même dans son origine étymologique paraît assez neutre: «res
publica», la chose publique.

Le mot République a été adopté par
référence à la république romaine, dans des contextes dramatiques, pour
désigner un régime sans souverain héréditaire.

En France, il a été adopté par référence à la république romaine,
dans des contextes dramatiques, pour désigner un régime sans souverain
héréditaire, à la suite de la chute de Louis XVI le 21 septembre 1792,
puis de la Monarchie de Juillet le 24 février 1848, et du Second Empire
de Napoléon III, le 4 septembre 1870. Le 25 août 1944, lors de la
Libération de Paris, le général de Gaulle refusait de proclamer la
République car il estimait qu’à travers sa personne et la France libre,
la République n’avait jamais cessé d’exister. C’est par abus de langage
que l’on baptise chaque Constitution du numéro d’une République
(quatrième, cinquième, etc) car il n’existe qu’une seule République
française.

Dans son sens le plus habituel, le plus fréquent
aujourd’hui, la République exprime le corps des valeurs dans lesquelles
se reconnaît la Nation française, construit au fil de l’histoire, hérité
de la Révolution, de la IIIe République, de la Libération et qui sont
les piliers de notre vie collective. Ainsi, le conseil constitutionnel
et les juridictions invoquent fréquemment les «principes fondamentaux de
la République»: le suffrage universel et la démocratie en font partie,
l’égalité des droits entre tous les citoyens, l’obligation scolaire, le
respect des libertés fondamentales dont le droit à la libre expression,
la laïcité -fondée sur la séparation de l’église et de l’État -, et la
liberté de culte dans la sphère privée… Ces principes sont aujourd’hui
ressentis comme menacés: la démocratie par les transferts de
souveraineté à Bruxelles, la laïcité par les ingérences de la religion
dans la vie publique, et la liberté d’expression fragilisée par les
récents attentats. La République, au sens des droits fondamentaux, se
présente aujourd’hui comme un refuge, une protection dans la tempête et
c’est pourquoi les Français, dans leur quasi unanimité, tiennent à ce
patrimoine commun, leur boussole dans la tourmente du monde actuel.

La République se présente
aujourd’hui comme un refuge dans la tempête et c’est pourquoi les
Français, dans leur quasi unanimité, tiennent à ce patrimoine commun,
leur boussole dans la tourmente du monde actuel.

Pourtant, la République ne saurait se limiter à un corps de valeurs.
En son sens historique, elle exprime aussi une ambition collective, un
principe d’action, un mouvement vers le progrès. «Nous croyons que la
république doit être un gouvernement» déclarait Jules Ferry, l’un des
pères de la IIIe République. La République doit porter un projet
collectif, sinon elle finit par se corrompre et par dépérir. L’école
publique, laïque et obligatoire était au cœur de la démarche
républicaine à cette époque, tout comme d’ailleurs la colonisation. La
notion de République, dans la tradition française, se rattache à la
volonté générale, à l’idée de conquête, de recherche du bien commun. La
résignation, l’emprise de la communication ou de la posture sur
l’action, l’incapacité de l’État, depuis une quarantaine d’années, à
résoudre les grandes difficultés de notre époque -le chômage, le déclin
économique, la faillite de l’éducation nationale, l’insécurité- enlèvent
à la République une partie de sa signification. Une République
impuissante et inefficace est vidée de sa substance, n’est plus vraiment
la République. Dans un État immobile, ingouvernable, sans direction,
incapable de répondre aux attentes des citoyens, elle rompt avec sa
vocation profonde.

La notion de République, dans la
tradition française, se rattache à la volonté générale, à l’idée de
conquête, de recherche du bien commun.

Les grands républicains de jadis avaient par ailleurs une phobie:
celle de la personnalisation excessive du pouvoir, de la confiscation
d’un attribut qui appartient au peuple. Les héros ne sont pas absents du
Panthéon républicain, Gambetta, Clemenceau, Poincaré… Cependant, ils
se sont trouvés au service du pays pendant quelques mois ou années, le
temps nécessaire à l’accomplissement d’une tâche, sans chercher à
s’approprier le pouvoir politique, ni s’identifier durablement à lui et
s’y incruster en dehors d’une responsabilité susceptible de jouer à tout
moment. L’idée d’en tirer le moindre avantage matériel ou moral, eût
été ressentie comme la pire déchéance pour ces personnalités arc-boutées
à leur passion de la France.

D’ailleurs, aujourd’hui,
l’invasion de la vie publique par les ambitions personnelles, la
confusion entre intérêts publics et privés, les calculs et batailles
égocentriques au détriment du débat d’idées, le narcissisme en
politique, représentent une véritable trahison au regard de l’idéal
républicain. Il ne suffit pas de crier «vive la République». Mieux
vaudrait la respecter. Le régime politique français, depuis quelques
décennies, sublimant les jeux de personnes au détriments des projets et
de l’intérêt général, ressemble bien plus à une monarchie décadente,
celle des derniers mérovingiens, qu’à la République au sens le plus
noble du terme.


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Maxime Tandonnet

Source : ©Ce que signifie vraiment la République

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